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C-52 : Projet de loi d'exécution du budget de 2007

Honorables sénateurs, bien que je n'aie pas préparé de discours, je désire prendre la parole aujourd'hui, car j'ai beaucoup de questions suite aux audiences auxquelles j'ai assisté cette semaine en tant que membre du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Cette mesure législative soulève de nombreuses questions comme on a pu le constater depuis sa présentation et lors de son étude par le Comité sénatorial permanent des finances nationales. D'entrée de jeu, permettez-moi de dire que le premier témoin que nous avons entendu a été le ministre Flaherty. Celui-ci a entre autres dit que toutes les provinces seraient avantagées par le nouveau système.

Le ministre parlait de la nouvelle formule de péréquation.

Avant d'entendre les témoignages présentés au comité, j'ai communiqué avec nos recherchistes à la Bibliothèque du Parlement pour leur demander d'obtenir du ministère des Finances les chiffres pour les années à venir — autrement dit, les prévisions — concernant le nouveau programme de péréquation proposé dans le projet de loi C-52. Quelques heures après mon appel, les recherchistes m'ont informée que les fonctionnaires du ministère des Finances refusaient de fournir des chiffres parce qu'il y avait différents scénarios.

Lorsqu'ils ont comparu devant le comité, j'ai encore une fois demandé à ces fonctionnaires pourquoi ils refusaient de nous fournir des chiffres. Je leur ai rappelé qu'ils témoignaient devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales et que nous avons le devoir et l'obligation d'examiner ces chiffres avant de pouvoir approuver ou rejeter un projet de loi. C'est notre responsabilité.

C'était relativement à la péréquation.

Je leur ai ensuite demandé de me fournir les chiffres pour le Transfert canadien en matière de programmes sociaux et pour l'enseignement postsecondaire. Ils n'avaient aucune donnée à nous fournir.

Puis, je leur ai posé la question suivante : « si vous ne pouvez pas me donner de chiffres, dites-moi au moins que vous avez, en tant que conseillers du ministre, fourni au ministre une analyse des résultats d'une telle décision et d'un tel changement ».

Honorables sénateurs, j'ai dû poser la question quatre fois avant d'obtenir une réponse, car ils tentaient par tous les moyens d'éviter de répondre.

La réponse que j'ai obtenue est la suivante : « Non, nous n'avons fait aucune analyse des coûts relativement au transfert au titre des programmes sociaux et de l'enseignement postsecondaire. »

Ils n'ont fait aucune analyse. Ils n'ont présenté aucune recommandation au ministre. Donc, ce nouveau programme n'est le fruit que d'une décision purement politique. Une décision purement politique.

Comment pouvez-vous apporter un changement fondamental à ce programme près 30 ans? Ce programme existe depuis 30 ans parce que, lorsque nous avons rapatrié la Constitution en 1982, nous avons donné certaines garanties aux provinces.

J'ai aussi demandé aux fonctionnaires du ministère des Finances sur quoi reposait la décision de passer à un montant fixe par habitant. Ils m'ont répondu par trois fois qu'il n'était pas nécessaire de mesurer la capacité financière.

Honorables sénateurs, j'aimerais attirer votre attention sur la Constitution du Canada, qui contient les garanties données aux provinces et aux citoyens canadiens.

Le paragraphe 36(1) contient l'engagement de promouvoir l'égalité des chances. Voici ce qu'il stipule :

Sous réserve des compétences législatives du Parlement et des législatures et de leur droit de les exercer, le Parlement et les législatures, ainsi que les gouvernements fédéral et provinciaux, s'engagent à :

a) promouvoir l'égalité des chances de tous les Canadiens dans la recherche de leur bien-être;

b) favoriser le développement économique pour réduire l'inégalité des chances;

c) fournir à tous les Canadiens, à un niveau de qualité acceptable, les services publics essentiels.

Cela est en contradiction directe avec ce qui est fait à l'Accord atlantique. Il n'y a plus d'égalité des chances.

Le paragraphe 36(2) est également en contradiction directe avec les changements proposés aux transferts au titre de l'éducation postsecondaire et des programmes sociaux. Le paragraphe 36(2) s'énonce comme suit :

Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l'engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.

Le « niveau de fiscalité sensiblement comparable » est une mesure de la capacité fiscale. Honorables sénateurs, le projet de loi C-52, avec les changements à la péréquation, aux transferts au titre de l'éducation postsecondaire et des programmes sociaux ainsi qu'à la santé, prive les provinces et tous les citoyens du pays de leur droit constitutionnel de jouir de services publics à un niveau de qualité et de fiscalité comparables. C'est ce que fait le projet de loi C-52.

Il y a de bons éléments dans le projet de loi, mais nous, en tant que sénateurs, représentons la population de nos régions et la population du Canada en général. Il nous incombe de faire respecter la loi fondamentale du pays, la Constitution. Comment pouvons-nous approuver un budget qui est fondamentalement contraire à la loi fondamentale du pays?

Je ne parle pas de politique. S'ils veulent parler de politique à la Chambre des communes, c'est une chose; s'ils veulent parler de politique dans les médias, c'en est une autre. Je suis ici pour parler au nom des habitants du Nouveau-Brunswick et de ceux d'au moins huit provinces canadiennes qui sont durement touchées par ces deux mesures, et cela comprend le Québec, honorables sénateurs.

C'est au moins le deuxième projet de loi présenté au Sénat cette année qui n'est pas conforme à la Constitution du Canada.

Je vais passer à d'autres questions. Mon honorable collègue, le sénateur Mercer, a dit fort justement que la Nouvelle-Écosse, en ce qui concerne uniquement la péréquation, perdra 1,4 milliard de dollars au cours des dix années à venir. Cela ne compte pas les changements apportés au système par habitant. En vertu du nouveau système, la Nouvelle-Écosse perdra encore plus que cela.

Aux termes de l'ancien programme financé en fonction du nombre d'habitants, si on inclut les points d'impôt, l'exercice d'équilibre entre les points d'impôt et les transferts en espèces au titre des transferts pour les programmes sociaux et l'éducation postsecondaire, le gouvernement fédéral transfert 500 $ par citoyen. Aux termes du nouveau programme, qui élimine la péréquation connexe des points d'impôt, il ne verse que 289 $ par citoyen.

Le Nouveau-Brunswick perdra 1,1 milliard de dollars en paiements de péréquation et plus encore dans les transferts pour les programmes sociaux et l'éducation postsecondaire.

Un de mes collègues a déclaré qu'offrir ces services coûtait plus cher en Ontario que partout ailleurs. J'ai fait des recherches. J'ai trouvé une étude effectuée en octobre 2004 par le Caledon Institute, un organisme ontarien qui regroupe de nombreux spécialistes, pour les années 2002 à 2025. Cette étude comparait les dépenses en soins de santé du Nouveau-Brunswick à la moyenne canadienne. Le taux moyen de croissance du coût des soins de santé au Nouveau- Brunswick serait de l'ordre de 4,92 p. 100. Cependant, ils ont constaté ce qui suit :

Quand nous avons remplacé la structure d'âge du Nouveau- Brunswick par celle du Canada, le taux de croissance tombe à 4,41 p. 100.

Je dirai donc à mon collègue, qui pense que le coût des soins de santé est plus élevé en Ontario que dans les petites provinces où une population moins importante est répartie sur un plus grand territoire, qu'il est clairement dans l'erreur.

Les autres témoins que nous avons entendus ont parlé des fiducies de revenu. Ils étaient mécontents, et je peux le comprendre. Quand on planifie sa retraite, on étudie les possibilités d'investissement sur le marché libre et quand on voit une occasion, on investit.

Dans un premier temps, les témoins nous ont dit que lors du massacre de l'Halloween, comme ils qualifient l'événement, ils ont accusé, du jour au lendemain, une perte de 62 milliards de dollars pour ce qui est de la valeur marchande de leurs actifs. Ils ont reconnu qu'une partie de cette perte était attribuable à d'autres facteurs, mais la mesure prise par le gouvernement est responsable d'une perte d'au moins 25 milliards de dollars.

Avant que les témoins ne comparaissent devant notre comité, j'ai demandé s'ils avaient des preuves que ces mesures avaient une grande importance sur le plan fiscal pour le gouvernement fédéral. Il semble que les mêmes questions aient été posées à la Chambre des communes. Honorables sénateurs, voici le document qu'ils ont reçu grâce à la Loi sur l'accès à l'information. Une bonne partie de l'information est censurée. Ils ont reçu des pages sans texte pour justifier la décision du ministre des Finances.

Le troisième aspect qui m'a frappée, c'est que la Canada's Association for the 50 Plus, la CARP, nous a déclaré qu'elle envisageait un recours collectif contre le gouvernement du Canada. À quoi d'autre peut-on s'attendre lorsque le premier ministre du Canada invite ouvertement les intéressés à lui intenter des poursuites?

Un gouvernement provincial, celui de la Saskatchewan, étudie la possibilité de poursuivre le gouvernement fédéral. Un groupe de citoyens du Québec et du Nord de l'Ontario, semble-t-il, poursuit le gouvernement concernant la somatotropine bovine. Voici encore d'autres gens qui étudient la possibilité d'intenter des poursuites contre le gouvernement.

Honorables collègues, même si nous n'avons pas eu le temps de faire comparaître des constitutionnalistes devant notre comité pour les interroger sur les liens entre ce projet de loi et les paragraphes (1) et (2) de l'article 36 de la Constitution, je suis convaincue qu'ils nous auraient dit que ces deux nouvelles mesures sont contraires à la Constitution.

Ne vous en faites pas. Comme l'a dit de façon si éloquente mon collègue, le sénateur Murray, ces deux nouvelles mesures vont leur exploser dans la figure.

Au nom du respect de la Constitution du Canada et du respect de ce dont il a été convenu il y a 30 ans par rapport à la Constitution et son rapatriement avec toutes les provinces et tous les citoyens du Canada, j'espère que les honorables sénateurs appuieront les amendements du sénateur Moore et du sénateur Baker. Honorables sénateurs, je vous prie de tenir compte de tous les citoyens que vous rencontrez. Ce sont les aînés et les jeunes qui seront les plus touchés par ces mesures.