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La décentralisation des ministères, organismes gouvernementaux et sociétés d'état fédéraux

Honorables sénateurs, j'aimerais attirer l'attention du Sénat sur la question de la décentralisation de la bureaucratie conformément à l'interpellation du sénateur Downe. Il ne faudrait pas confondre la décentralisation bureaucratique qui consiste à déplacer des bureaux à l'extérieur d'Ottawa et le nouveau concept de service à la clientèle appelé Service Canada.

En tant qu'ex-législatrice du Nouveau-Brunswick, j'appuie toujours fermement l'approche Service Nouveau-Brunswick, qui facilite aux habitants de ma province l'accès aux services gouvernementaux. En outre, il s'agit d'un beau défi pour les fonctionnaires qui y travaillent car ils doivent mettre en pratique de multiples compétences et ils ne sont pas limités à un seul programme, ce qui est souvent ennuyant. Cela leur donne davantage de satisfaction au travail et élargit leurs perspectives professionnelles.

Nous devons aussi reconnaître que les 308 bureaux de circonscription des députés constituent, en fait, des guichets uniques, c'est-à-dire des bureaux de Service Canada pour les citoyens qui ont besoin d'un service du gouvernement fédéral.

Je puis vous affirmer avec certitude que c'est le cas pour les députés des régions et des petites communautés. Les députés et leur personnel répondent aux questions des gens, les acheminent vers les bons bureaux, les bons agents et les renseignements sur les critères des programmes. En gros, nous disposons déjà de plus de 350 guichets uniques d'un bout à l'autre du pays, toutefois, on les voit souvent comme étant trop politiques.

L'expérience du Nouveau-Brunswick s'est avérée très fructueuse et le gouvernement fédéral aurait avantage à s'en inspirer pour la mise en œuvre de Service Canada. Cependant, à mon avis, il est impératif que les opérations fédérales de Service Canada se distinguent des opérations provinciales. À cet égard, vous conviendrez avec moi que la première étape, en vue d'offrir un meilleur service à la clientèle, consisterait à se débarrasser du système de répondeur téléphonique tout à fait exaspérant et de le remplacer par de véritables téléphonistes en chair et en os, à l'autre bout du fil. On me dira qu'il s'agit d'un système de premier choix, privilégié par le secteur privé. À cela, je répondrai que le consommateur dispose de certains choix lorsqu'il fait affaire avec le secteur privé, mais que le contexte concurrentiel n'est pas le même pour les services publics et qu'il n'y a pas d'autre choix.

Tous les dix ans, depuis les années 1970, les gouvernements ont tenté tour à tour de déplacer, autrement dit de décentraliser certains ministères à l'extérieur d'Ottawa. Malgré l'opposition à laquelle ils ont été confrontés, les ministères déplacés ont bel et bien réussi à réduire leurs coûts en termes d'immobilisations et de ressources humaines et ils sont devenus des moteurs de développement économique pour leur région d'adoption.

J'appelle cela du leadership. On peut dépenser des millions de dollars en programmes pour stimuler le développement économique d'une région et y attirer les investisseurs, mais si le gouvernement fédéral n'est pas disposé à y déplacer ses opérations, il ne fait que fausser le bilan économique de cette région en lui offrant de simples voeux pieux. Le gouvernement fédéral sait que les régions ont besoin d'outils de développement économique, cela ne fait aucun doute. C'est pourquoi je fais appel à notre gouvernement pour qu'il montre la voie au secteur privé et déplace ses opérations dans les régions qui ont besoin d'un « coup de fouet » économique.

Il est certes agréable de vivre à Ottawa et d'y élever une famille, mais la capitale ne détient pas la palme de qualité la de vie au Canada. Si elle est très bien située géographiquement, elle ne correspond pas nécessairement à ce que nous sommes en tant que peuple, comme en témoigne notre Constitution.

En effet, après plus de 23 ans, notre capitale nationale n'a toujours pas été désignée ville bilingue par le gouvernement de l'Ontario. C'est tout simplement honteux!

De plus, ce même gouvernement se plaint depuis quelques mois du déséquilibre fiscal. Or, posons-nous la question : dans quelle mesure l'emplacement de notre capitale nationale contribue-t-il au revenu de la province de l'Ontario?

À l'exclusion des sociétés d'État et des organismes gouvernementaux, plus de 40 p. 100 des emplois de la fonction publique fédérale sont situés en Ontario et 20 p. 100 au Québec. La majeure partie de ces 60 p. 100 se trouvent en Outaouais, le reste se trouvant en nombre limité à Toronto et à Montréal. Cela représente plus de 200 000 emplois au gouvernement fédéral, et j'exclue les sociétés d'État et les agences.

Si l'on suppose un salaire annuel de 55 000 $ en moyenne par emploi, cela signifie une masse salariale d'environ 11 milliards de dollars par année. Sur ces 11 milliards de dollars, environ 7,5 milliards reviennent à l'Ontario seulement. On pourrait aussi dire que cela représente 2,5 milliards de plus que les 5 milliards de dollars de déséquilibre fiscal dont se plaint le gouvernement de l'Ontario.

Les honorables sénateurs seront certainement d'accord avec moi pour dire qu'une masse salariale de 11 milliards de dollars sera la bienvenue dans n'importe quelle de nos provinces.

Cela leur permettrait de ne plus être tributaires du programme de péréquation et de figurer désormais parmi les provinces qui apportent leur contribution financière à la fédération, aux côtés de l'Ontario. Ces provinces n'auraient certes plus à se plaindre de déséquilibre fiscal et ne rejetteraient pas, pendant 23 ans, les demandes incessantes des Canadiens qui insistent pour que leur capitale nationale soit bilingue.

Comme le disent les gens de chez nous, on ne doit pas se plaindre le ventre plein ou, comme on dit ailleurs au pays, on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.

Honorables sénateurs, je profite de l'occasion pour souligner les retombées positives qu'aurait le transfert d'une ou de plusieurs activités du gouvernement fédéral dans ma région du Nouveau- Brunswick, que ce soit à Grand Falls, Edmundston ou Campbellton. Toutes ces villes sont en mesure d'offrir à tous des services dans les deux langues officielles, et ce, sans coûts supplémentaires de formation pour le gouvernement fédéral.

En plus d'attirer des investissements privés, le déplacement de 1 000 emplois fédéraux, ou de 0,3 p. 100 des emplois de la fonction publique fédérale, qui représentent en moyenne une masse salariale de 55 millions dollars par an, aurait pour effet d'augmenter la valeur de nos ressources humaines, d'augmenter les inscriptions aux programmes scolaires et postsecondaires locaux, de multiplier les possibilités d'emplois locaux, nous aidant ainsi à garder nos jeunes. Il permettra de hausser la valeur de l'immobilier, d'augmenter les recettes des magasins de détail, des hôtels et des restaurants, de stimuler le tourisme, d'augmenter le trafic aérien et ferroviaire, garantissant ainsi à nos habitants et à nos gens d'affaires la viabilité de ces services. Il fera augmenter les recettes provenant des taxes foncières des gouvernements locaux, en plus d'augmenter les recettes provenant de l'impôt sur le revenu et des taxes de vente du Nouveau-Brunswick, réduisant ainsi notre dépendance à l'égard des paiements de péréquation. Il permettra d'accroître la base de bénévoles communautaires, de favoriser la viabilité et la base de revenu des installations récréatives, de réduire notre dépendance économique de l'exploration de nos ressources naturelles, de réduire les variations saisonnières de notre économie régionale, de réduire notre taux de chômage et notre besoin des prestations d'assurance- emploi, de réduire les coûts de fonctionnement du gouvernement fédéral et d'alléger le fardeau des contribuables et, enfin, de réduire le besoin d'augmenter les fonds pour le développement économique pour notre région.

Pour élargir la perspective des avantages financiers qu'offre ce scénario, on peut voir dans le budget fédéral de 2005-2006 que le montant alloué à l'APECA aux fins du développement économique — et cela, pour toutes les provinces atlantiques — est de 45 millions de dollars. Ce montant est de 10 millions inférieur à celui du déplacement de 1 000 emplois fédéraux, ou de 0,3 p. 100 — pas 1 mais bien de 0,3 p. 100 — de ces emplois. Qu'on imagine un peu ce que le déplacement de 10 000 emplois gouvernementaux, ou de 3 p. 100 de la fonction publique fédérale, ferait pour l'économie de la région de l'Atlantique.

Honorables sénateurs, loin de moi l'idée de remplacer l'APECA par le déplacement d'emplois de la fonction publique fédérale, mais j'insiste en disant qu'il faudrait avoir un peu plus des deux, comme c'est le cas en Ontario avec l'Initiative fédérale du développement économique du Nord de l'Ontario, ou FedNor.

À mon avis, le scénario ci-dessus ne peut qu'être avantageux pour tous les intéressés. Ce scénario vaut aussi pour de nombreuses collectivités partout au Nouveau-Brunswick, en dehors du triangle d'or que constituent Fredericton, Moncton et Saint-Jean, qui peuvent compter sur une base économique et une infrastructure plus solides.

Avec le moyen de communication infini que nous avons avec Internet haute vitesse, le raisonnement qui veut que la bureaucratie soit à proximité du législatif et de l'exécutif du gouvernement ne tient plus. Je crois vraiment que le gouvernement fédéral devrait avoir pour priorité de décentraliser ses ministères, ses sociétés d'État et ses agences.

Le Sénat devrait renvoyer l'interpellation du sénateur Downe au Comité sénatorial permanent des finances nationales pour étude immédiate. Cela devrait aboutir à des recommandations concrètes qui enjoindraient au gouvernement d'accélérer le processus de relocalisation de la bureaucratie fédérale dans les localités où sa présence serait appréciée sur-le-champ, notamment en raison des répercussions directes et indirectes que cela aurait sur la fiscalité et l'économie sociale des petites localités touchées.