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Motion tendant à autoriser le comité à étudier l'entente sur le bois d'oeuvre

Honorables sénateurs, j'ai aujourd'hui l'honneur d'ouvrir le débat sur cette motion qui vise à ce que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce étudie et fasse rapport sur l'entente du bois d'œuvre entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d'Amérique.

Je souhaite que le comité analyse, entre autres, l'impact sur la souveraineté du Canada dans la gestion de ses ressources, l'impact quant à l'interprétation des chapitres 11 et 19 de l'ALENA et les mesures incluses dans l'entente en ce qui a trait au soutien financier offert à l'industrie et à ses travailleurs.

Comme vous le savez, selon un article paru dans le Winnipeg Free Press le samedi 13 mai au sujet d'une entrevue accordée aux médias à Vancouver, le ministre Emerson aurait dit :

Les gouvernements provinciaux devront soumettre à Washington tout changement en matière de politique forestière aux termes du nouvel accord sur le bois d'œuvre résineux...

Ce sont les propos du ministre du Commerce international, David Emerson, en sa qualité de membre du gouvernement conservateur. Il n'est sûrement pas conforme aux dispositions de la Constitution canadienne en matière de compétence provinciale de céder la souveraineté provinciale à Washington. Cet accord n'est pas une solution pour le Canada. C'est une capitulation face aux États-Unis.

Pourquoi le ministre conservateur du Commerce international, David Emerson, qui a détenait le même portefeuille sous l'ancien gouvernement libéral, avait-il recommandé aux libéraux de rejeter ce type d'accord parce que ce n'était pas assez bon pour le Canada? Pourquoi est-ce maintenant assez bon?

Honorables sénateurs, si nous pouvions examiner ce projet d'accord sur le bois d'œuvre résineux, nous pourrions voir pourquoi le gouvernement Harper est prêt à renoncer à notre souveraineté provinciale et nationale en ce qui concerne la gestion de nos ressources naturelles. Même l'industrie forestière canadienne a dit que la disposition anti-contournement de l'accord donnerait au gouvernement américain un droit de veto sur tout changement aux politiques forestières provinciales, ce qui empiéterait sur la souveraineté du Canada.

Il n'a pas fallu longtemps au premier ministre pour abandonner l'industrie canadienne dans l'espoir de marquer des points sur le plan politique avec les Américains. Les conservateurs trouvaient les conditions de cet accord inacceptables lorsqu'ils étaient dans l'opposition. Pourquoi sont-elles acceptables maintenant? Le mieux que les conservateurs ont pu faire, c'est d'accepter un accord que le gouvernement libéral a rejeté. Le gouvernement conservateur a plié l'échine devant le gouvernement américain en acceptant un accord sur le bois d'oeuvre résineux qui permettra aux Américains de conserver plus de 1 milliard de dollars des droits qu'ils ont perçus illégalement aux dépens de l'industrie canadienne. La moitié de cette somme ira à la coalition américaine du bois d'oeuvre résineux et l'aidera à concurrencer notre propre industrie du bois d'oeuvre et nos avocats.

Voici une citation intéressante de M. Harper lui-même à l'occasion du caucus national du Parti conservateur tenu à Halifax, le 7 septembre 2005. M. Harper a déclaré :

Il n'est pas question que le Canada retourne à une table de négociation classique, comme le propose l'ambassadeur américain.

On ne négocie pas ce qu'on a déjà gagné.

Il s'agit maintenant de respecter l'accord.

L'objectif du premier ministre devrait être de faire respecter pleinement les jugements.

C'est ce qu'a dit Stephen Harper, lorsqu'il était chef de l'opposition, bien sûr, mais cela ne fait pas si longtemps. C'était en septembre dernier. Lorsque les conservateurs formaient l'opposition officielle, ils insistaient pour que les États-Unis respectent les jugements rendus en faveur du Canada dans le cadre de l'ALENA et que le Canada n'accepte rien de moins que leur respect complet. Ils voulaient même que nous refusions de continuer à négocier. Pourtant, le premier ministre Harper n'a pas résisté longtemps avant de céder à ses copains républicains. Le gouvernement conservateur doit bien cela aux Canadiens — de respecter entièrement sa promesse de préserver le libre-échange et d'obtenir un remboursement de 100 p. 100.

M. Harper ne voulait pas qu'on négocie. Pourquoi alors a-t-il accepté non seulement de négocier, mais aussi de céder la souveraineté du Canada et une somme supérieure à un milliard de dollars, que les Américains ont perçue aux dépens de notre industrie forestière? À cause de la capitulation du gouvernement sur la question du bois d'œuvre, nous devons maintenant faire approuver notre politique forestière par Washington. Cette soi-disant entente montre clairement que la force du gouvernement n'est pas de négocier, mais de capituler.

En pliant l'échine, le premier ministre Harper a anéanti les années d'efforts que le gouvernement libéral et l'industrie forestière avaient déployés pour que le Canada puisse conclure la meilleure entente possible et que notre industrie du bois d'œuvre soit protégée. En nous pliant à la volonté de l'industrie forestière américaine, nous lui permettons d'accroître ses activités de recherche et de développement et de concevoir des stratégies de commercialisation, ce qui se traduira par une concurrence encore plus féroce sur le marché mondial.

Le 15 mai, à la suite de la conclusion de l'entente sur le bois d'œuvre, qui n'était pas encore signée, notre industrie forestière n'a eu d'autre choix que d'intenter une poursuite contre le gouvernement conservateur — contre son propre gouvernement — parce que ce dernier lui a tourné le dos en acceptant l'approche protectionniste des Américains dans le dossier du bois d'œuvre.

Les représentants de l'industrie forestière canadienne disent que le gouvernement conservateur et le gouvernement américain ont conspiré contre l'industrie privée du Canada. Si nous n'avions pas mis fin au litige, nous aurions recouvré, tôt ou tard, tout l'argent que les Américains ont soutiré à notre industrie. Nous étions sur le point d'avoir gain de cause encore une fois. Malheureusement, cette entente vise à éliminer toutes les victoires du Canada, passées et à venir. Elle n'est rien de plus qu'une entente politique, sans être une entente commerciale fiable. Selon certaines estimations, jusqu'à 20 p. 100 de nos scieries et de nos emplois disparaîtront à cause de cette entente.

Comme l'a dit Jamie Limof, de l'Association de l'industrie forestière de l'Ontario, nous nous attendons à souffrir considérablement des conditions actuelles de l'entente. En outre, il sera impossible de s'en sortir. Les réformes stratégiques sont soumises au jugement et au veto des États-Unis, et l'entente ne renferme aucune disposition de résiliation.

Honorables sénateurs, nous ne pouvons pas nous contenter d'un gain à court terme pour souffrir à long terme. Le gouvernement conservateur veut accélérer le processus et signer cette entente d'ici le 15 juin. Cependant, il est dangereux d'agir rapidement, car nous risquons de rater notre coup. Si nous ratons notre coup, cette entente finira par être pire pour notre industrie forestière. Les Américains veulent en accélérer la signature, car une entente déficiente sera avantageuse pour eux et extrêmement désavantageuse pour l'industrie forestière canadienne.

Nous devons être conscients que nous n'avons qu'une chance de parvenir à une bonne entente et, si nous essayons d'agir trop rapidement et que, en définitive, il ne s'agit pas d'une entente commerciale fiable, les Canadiens en paieront le prix et en subiront les conséquences.

Les représentants de l'industrie ont dit que l'entente proposée au sujet du bois d'œuvre est pire et qu'elle les fera souffrir davantage que maintenant. M. Carl Grenier, vice-président exécutif du Free Trade Lumber Council, a déclaré que l'objectif fondamental des États-Unis est d'effacer les quatre dernières années de litige, d'éliminer toutes les victoires juridiques du Canada et de les remplacer par les mêmes vieux arguments juridiques que l'industrie américaine fait valoir depuis 25 ans. Ils veulent être prêts pour une autre guerre commerciale dans ce dossier dès que l'entente actuelle échouera ou expirera, et ils veulent éliminer tout avantage que le Canada a pu avoir retiré en se défendant depuis quatre ans.

Le gouvernement conservateur a investi 1 milliard de dollars dans l'industrie forestière américaine. Celle-ci peut maintenant financer ses activités de recherche et de développement grâce à l'argent de nos entreprises canadiennes. L'industrie forestière canadienne a donc perdu 1 milliard de dollars, mais, en plus, les conservateurs ont décidé de supprimer du budget le train de mesures budgétaires d'une valeur de près de 1,5 milliard de dollars qui avaient pour but d'aider l'industrie forestière canadienne à préserver son dynamisme et son caractère durable.

En novembre 2005, le gouvernement libéral a carrément rejeté cette même offre de règlement, car elle ne correspondait pas aux meilleurs intérêts du Canada. Ce prétendu accord implique que de l'argent canadien, 1 milliard de dollars, sera utilisé contre nous, pour imposer des limites injustes à notre industrie canadienne du bois d'oeuvre. En acceptant ce marché boiteux, le premier ministre a trahi l'industrie forestière canadienne, et il a cédé aux États-Unis sans pour autant résoudre le problème du bois d'oeuvre pour le Canada.

Comme dans toutes les ententes, il faut se méfier des détails. Nous avons fermement l'impression qu'il y a encore plus de ces détails pervers dans cet accord que le premier ministre ne veut bien l'admettre. Cet accord n'a rien à voir avec le libre-échange. Nous sommes maintenant à la merci des États-Unis. Une telle capitulation est décevante. Malgré ma position sur la question, cette motion ne donne pas lieu à un débat sur l'accord lui-même, mais sur la possibilité que cette assemblée puisse analyser les détails de ce qu'a convenu le gouvernement au nom de tous les Canadiens.

Bien des membres du Parti conservateur partagent le point de vue que les négociations doivent se poursuivre rondement avec nos homologues américains pour mettre au point les détails de l'Accord sur le bois d'oeuvre. Bien des ministériels croient que nous devons faire aveuglément confiance à l'exécutif et accepter toute entente finale à laquelle pourrait aboutir l'entente provisoire déjà proposée. Je crois qu'il faut faire preuve de transparence — nous nous rappelons ce mot, transparence — et au moins examiner cette entente.

Il semble que j'aie touché un point sensible avec le mot transparence. C'est amusant. Je crois qu'il est essentiel de faire preuve de transparence et qu'au moins le Sénat examine cette entente et les conséquences qu'elle aura pour notre industrie et ses travailleurs.

Les Canadiens veulent une bonne gouvernance. Il veulent connaître le contenu et les conséquences des ententes que le gouvernement signe en leur nom. Ils veulent plus d'ouverture et de transparence, et ils veulent pouvoir tenir le Parlement, leur gouvernement et les fonctionnaires responsables des résultats.

À cette fin, il faut que les parlementaires examinent et analysent les enjeux. La Chambre des communes est déjà à l'écoute des intéressés. Pourtant, en raison de l'attitude du leader du gouvernement au Sénat, notre assemblée n'a encore rien fait. J'ai demandé six fois au leader du gouvernement au Sénat de déposer l'entente proposée sur le bois d'oeuvre et de la renvoyer au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce pour étude approfondie, mais cela n'a servi à rien.

C'est pourquoi je propose maintenant que cette entente soit renvoyée aujourd'hui au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Honorables sénateurs, dans un esprit d'ouverture, de transparence, de responsabilité et d'équité, je veux aussi déposer, pour que vous puissiez tous les lire...

Honorables sénateurs, pour ceux que cela intéresse, en plus de présenter ma motion, je veux déposer des documents que j'ai reçus dans une enveloppe brune.

Je pense que ces enveloppes contiennent les ébauches en français et en anglais de l'entente proposée sur le bois d'oeuvre. Vint-cinq pages en tout.

Le document dit :

ENTENTE SUR LE BOIS D'OEUVRE
ENTRE
LE GOUVERNEMENT DU CANADA
ET
LE GOUVERNEMENT DES ÉTATS-UNIS

Le gouvernement du Canada (« Canada ») et le gouvernement des États-Unis d'Amérique (« États-Unis »)

CONVIENNENT DE CE QUI SUIT :

ARTICLE I
OBJECTIFS

Les objectifs de la présente entente sont :

régler tout litige en instance et prévenir de tout conflit découlant de l'échange de produits du bois d'oeuvre entre le Canada et les États-Unis;

faciliter et encourager des échanges commerciaux mutuels et favorables en matière de bois d'oeuvre;

stimuler la concurrence sur le marché nord-américain du bois d'oeuvre, l'expansion des marchés actuels et le développement de nouveaux marchés du bois d'oeuvre (et participer à des initiatives méritoires).

ARTICLE II
CHAMP D'APPLICATION

La présente entente s'applique aux échanges commerciaux de tous les produits du bois d'oeuvre qui figurent à l'annexe I.

Aucun autre produit du bois d'oeuvre ne sera ajouté au champ d'application de l'entente...

— ce qui veut dire que nous ne pouvons ajouter les produits à valeur ajoutée; il faut lire entre les lignes —

...sans l'accord de toutes les parties, et ce, même si les États- Unis adoptent une mesure de reclassification tarifaire ou autre.

ARTICLE III
ABROGATION DES ORDONNANCES D'IMPOSITION
DE DROITS ANTIDUMPING ET COMPENSATEURS

ARTICLE IV
REMBOURSEMENT DES DÉPÔTS EN ESPÈCES AU TITRE
DES DROITS ANTIDUMPING ET COMPENSATEURS

ARTICLE V
REMBOURSEMENT DES DÉPÔTS EN ESPÈCES SANS PRÉJUDICE

ARTICLE VI
ENGAGEMENTS DES ÉTATS-UNIS RELATIFS AUX ENQUÊTES
SUR LES RECOURS COMMERCIAUX, AUX POURSUITES ET À TOUT AUTRE LITIGE

ARTICLE VII
EXPORTATIONS CANADIENNES

Honorables sénateurs, je crois que celui-ci mérite que l'on s'y arrête.

1. Dès que les États-Unis auront révoqué les ordonnances d'imposition de droits compensateurs et antidumping et annulé les mesures administratives spéciales et expéditives modifiées ainsi que les nouvelles règles d'examen des expéditeurs, conformément à l'article III, les mesures d'exportation suivantes s'appliqueront : 1) une taxe à l'exportation; 2) une taxe à l'exportation assortie d'une limitation du volume; 3) un mécanisme d'imposition d'une surtaxe; 4) le déclenchement de la protection contre les pays tiers.

Cela me paraît plutôt à sens unique. Je continue :

ARTICLE VIII
TAXE À L'EXPORTATION ET TAXE À L'EXPORTATION
ASSORTIE D'UNE LIMITATION DU VOLUME [...]

Cela signifie des quotas, n'est-ce pas? Puis, à l'article IX, on lit :

AUGMENTATION SUBITE DES EXPORTATIONS CANADIENNES [...]

ARTICLE X
AUGMENTATION SUBITE DES EXPORTATIONS D'UN PAYS TIERS [...]

ARTICLE XI
EXCLUSIONS DES MESURES D'EXPORTATION [...]

ARTICLE XII
FIN DES LITIGES [...]

ARTICLE XIII
DISPOSITIONS GÉNÉRALES [...]

ARTICLE XIV
CHANGEMENTS DE FOND [...]
RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS [...]

Honorables sénateurs, je crois que celui-ci mérite que l'on s'y arrête.

1. Dès que les États-Unis auront révoqué les ordonnances d'imposition de droits compensateurs et antidumping et annulé les mesures administratives spéciales et expéditives modifiées ainsi que les nouvelles règles d'examen des expéditeurs, conformément à l'article III, les mesures d'exportation suivantes s'appliqueront : 1) une taxe à l'exportation; 2) une taxe à l'exportation assortie d'une limitation du volume; 3) un mécanisme d'imposition d'une surtaxe; 4) le déclenchement de la protection contre les pays tiers.

Cela me paraît plutôt à sens unique. Je continue :

ARTICLE VIII TAXE À L'EXPORTATION ET TAXE À L'EXPORTATION ASSORTIE D'UNE LIMITATION DU VOLUME [...]

Cela signifie des quotas, n'est-ce pas? Puis, à l'article IX, on lit :

AUGMENTATION SUBITE DES EXPORTATIONS CANADIENNES [...]

ARTICLE X AUGMENTATION SUBITE DES EXPORTATIONS D'UN PAYS TIERS [...]

ARTICLE XI EXCLUSIONS DES MESURES D'EXPORTATION [...]

ARTICLE XII FIN DES LITIGES [...]

ARTICLE XIII DISPOSITIONS GÉNÉRALES [...]

ARTICLE XIV CHANGEMENTS DE FOND [...] RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS [...]

J'ignore pourquoi ils ont mis cela dans l'accord puisqu'ils ne croient pas à ces mécanismes.

Le texte continue...