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Motion tendant à autoriser le comité à étudier les systèmes de cartes de crédit et de débit

L'honorable Pierrette Ringuette, conformément à l'avis du 25 novembre 2008, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à examiner les systèmes de cartes de crédit et de débit au Canada et leurs taux et frais relatifs, particulièrement pour les entreprises et les consommateurs, et à faire rapport sur le sujet;

Que le comité présente un rapport au Sénat au plus tard le 30 juin 2009 et que le comité conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions jusqu'à 90 jours après le dépôt du rapport final.

 

Honorables sénateurs, j'ai présenté une motion pour que le Comité sénatorial des banques et du commerce soit autorisé à examiner le système de cartes de crédit et de débit en vigueur au Canada, de même que leurs barèmes respectifs de frais et de taux, surtout en ce qui concerne les commerçants et les consommateurs.

Voici les faits : selon mes recherches, les Canadiens détiennent 64,1 millions de cartes de crédit et en utilisent 65 p. 100 pour acheter 294 milliards de dollars en biens et services.

De ces 64,1 millions de cartes de crédit, 80 p. 100 sont des cartes Visa ou MasterCard. Pour les consommateurs, le taux d'intérêt est au plus, de 24,75 p. 100. Les frais dont s'assortissent les paiements par carte de crédit ou frais d'interchange s'élèvent à un maximum de 3 p. 100 pour les entreprises, de 1,8 p. 100 pour les administrations publiques et de 1,5 p. 100 pour les organismes de charité.

En fait, depuis le printemps 2008, les frais d'interchange ont augmenté. Les frais d'interchange sont le pourcentage du prix total d'achat que les entreprises payent pour que leurs clients puissent acheter par carte de crédit. Il convient de s'inquiéter aussi du fait que les émetteurs de cartes de crédit exigent toujours des consommateurs un taux d'intérêt plus élevé que celui des prêts des banques commerciales.

Selon un article récent du Toronto Star, des changements devant être apportés par la Banque TD à partir du 1er décembre auront pour effet de hausser le taux d'intérêt pour la plupart des clients qui ne règlent pas le solde minimum de leur carte Visa deux fois de suite. Ainsi, si l'on attend 30 jours au-delà de la date du paiement pour régler le solde minimum, il faudra payer des intérêts au taux de 24,75 p. 100, ce qui représente un bond de 5 p. 100. Il faut tenir compte du fait que le taux d'intérêt de la Banque du Canada est de 2,25 p. 100.

En cas de difficultés financières, on recourt parfois davantage au crédit, et c'est ce qui se produira de plus en plus.

Honorables sénateurs, certains de nos compatriotes sont dans une situation délicate, et les grandes banques en sont en partie responsables. Par ailleurs, le gouvernement fédéral a injecté 75 milliards de dollars dans un plan de rachat des hypothèques, dans l'espoir d'encourager les banques dans leur rôle de bailleur de fonds, c'est-à-dire d'accroître leur liquidité. Par conséquent, les banques et institutions émettrices de cartes de crédit devraient être en mesure d'appliquer des frais qui sont justes et permettent ainsi aux entreprises et aux consommateurs de surmonter la situation financière actuelle.

Selon mes recherches, les détaillants paient aux sociétés émettrices de cartes de crédit des frais d'interchange pouvant atteindre 3 p. 100 du montant des achats et les sociétés émettrices de cartes de crédit augmentent ces frais dans le cas des cartes premières et des clients à risque élevé. On n'indique pas aux détaillants les frais additionnels assortis au facteur de risque et on ne leur indique pas non plus le nombre de cartes premières en circulation.

Nous devons prendre en compte les stratégies de marketing agressives qu'utilisent les sociétés émettrices de cartes de crédit pour amener les consommateurs à obtenir des cartes premières et, partant, pour faire augmenter les frais d'interchange payés par les détaillants.

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui compte 105 000 membres provenant de tous les secteurs, a dénoncé l'introduction de nouveaux types de cartes tels que la carte première, la carte Mosaic ou la carte Infinite. En plus de ne pas être demandées, ces cartes sont assorties de frais d'interchange différents pour les détaillants lorsqu'elles sont identifiées comme étant « à dépenses élevées » ou que la banque qui les délivre constate qu'un certain niveau de dépenses a été atteint.

Les frais d'interchange payés par les détaillants varient considérablement et leur structure est tellement complexe qu'ils deviennent des coûts indéterminés pour les détaillants. Par conséquent, ils sont transmis aux consommateurs.

Les frais d'interchange payés par les détaillants sur les principales cartes de crédit génèrent des revenus de 4,5 milliards de dollars pour les sociétés émettrices de cartes de crédit. Les taux canadiens sont déjà parmi les plus élevés des pays industrialisés. Bien sûr, les sociétés émettrices de cartes de crédit doivent générer des revenus pour leurs actionnaires. Toutefois, ces sociétés qui ont augmenté les frais d'interchange perçus auprès des détaillants sont loin d'être pauvres.

Au quatrième trimestre de 2008, Visa Inc. a réalisé un revenu net de 0,8 milliard de dollars sur des recettes d'exploitation totalisant 6,3 milliards de dollars. Le rapport annuel de MasterCard Worldwide pour 2007 indique des profits nets de 1 milliard de dollars pour des revenus nets de 4,1 milliards de dollars. Le revenu net de MasterCard Worldwide a plus que doublé entre 2006 et 2007.

Les cartes de crédit sont un important instrument financier pour les échanges entre les particuliers et les détaillants. En 2007, on a utilisé 64,1 millions de cartes de crédit au Canada. Près de 65 p. 100 des 294 milliards de dollars au titre des paiements pour l'achat de produits et de services sont effectués à l'aide de cartes de crédit ou de débit. Visa et MasterCard détiennent près de 80 p. 100 du marché national des cartes de crédit. Les sociétés émettrices de cartes de crédit sont donc extrêmement riches et puissantes.

Y a-t-il « collusion » dans cette situation de quasi-monopole? Les hausses de taux proposées par les sociétés émettrices de cartes de crédit sont-elles un moyen de rattraper les 2 p. 100 de marge laissés par la réduction de 2 p. 100 de la TPS?

À la lumière de ces faits, je crois qu'il est absolument nécessaire que les parlementaires interviennent dans le débat et comprennent les effets de ces hausses sur les détaillants, les consommateurs et l'ensemble de l'économie.

Parallèlement, l'impact sur les entreprises d'une hausse probable des frais sur les achats par carte de débit — comme Interac — est préoccupant.

Apparemment, Interac est en pourparlers avec le Bureau de la concurrence à propos de l'abandon de son mandat à titre d'entreprise à but non lucratif. L'étude du Sénat permettra d'informer le Bureau de la concurrence.

En 2006, la Banque du Canada a effectué un sondage qui a révélé que chaque opération réglée au moyen d'une carte de débit coûte en moyenne 0,12 $ au vendeur. Par ailleurs, les détenteurs de cartes de débit paient également un forfait mensuel ou des frais par opération. Si Interac n'est plus une entreprise à but non lucratif, les frais d'interchange perçus sur les opérations par carte de débit augmenteront-ils pour les entreprises et les consommateurs? Si tel est le cas, les coûts à l'unité grimperont, ce qui se traduira par une hausse des prix à la consommation.

Nous devrions aussi étudier les répercussions potentielles de l'augmentation des frais d'interchange sur les trois ordres de gouvernement, notamment sur les sociétés d'État, les organismes gouvernementaux, les musées, les parcs et les services de délivrance de permis, qui tous paient des frais d'interchange lorsque les Canadiens achètent des services du gouvernement. Logiquement, toute augmentation des frais payés par ces entités entraînerait une augmentation des coûts du gouvernement.

Je viens du Nouveau-Brunswick et mon bureau a communiqué avec Services Nouveau-Brunswick. Nous avons appris que cette société d'État payait des frais d'interchange pondérés de 1,813 p. 100. Services Nouveau-Brunswick refile ces frais à ses partenaires, notamment la ville de Fredericton et la ville d'Edmundston, sur leurs factures d'égouts et d'eau.

Les organismes gouvernementaux et les sociétés d'État paient des frais d'interchange considérables. Un rapport du Government Accountability Office des États-Unis dit que, pendant l'exercice 2007, les entités fédérales américaines ont accepté des paiements par cartes totalisant plus de 27 milliards de dollars et ont payé au moins 433 millions de dollars en frais d'escomptede commerçant. Les entités qui peuvent établir précisément ce qu'elles paient en frais d'interchangeont rapporté des paiements par cartes de 18,6 milliards de dollars et des frais d'interchange de 208 millions .

Les sénateurs conviendront que l'argent des contribuables aurait pu être utilisé de manière plus efficace. Pourquoi la compagnie MasterCard ne demande-t-elle que 0,33 p. 100 au gouvernement et aux organismes de l'Australie, mais 1,813 p. 100 à ceux du Canada? Il s'agit de 1,5 p. 100 de plus, pour le même genre de transactions.

Lorsque les Canadiens font un don à un organisme de charité, ils ne pensent pas qu'une portion de ce don sert à payer les entreprises émettrices de cartes de crédit. Or, à la lumière d'entretiens que j'ai eus avec quelques représentants de nos grands organismes de charité, il semble que les sociétés émettrices prélèvent en moyenne 1,5 p. 100 sur les dons à titre de frais d'interchange. Je dois préciser que ces sociétés ont déjà, par le passé, annulé leurs frais dans certains cas, comme au moment du tsunami.

En Australie, MasterCard et Visa ont éliminé de façon volontaire les frais d'interchange pour les organismes de charité. Pourquoi ne peuvent-ils pas faire preuve du même civisme au Canada et appliquer la même politique?

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante affirme que les frais de cartes de crédit canadiennes ne font l'objet d'aucune réglementation et qu'ils sont donc plus élevés que dans beaucoup de pays où ils sont réglementés. Je crois que le comité devrait examiner la possibilité d'établir des mesures législatives et des règlements. J'invite les sénateurs à prendre connaissance d'une campagne nommée « Stop Sticking It To Us » à l'adresse suivante : www.stopstickingittous.com. Le groupe qui a créé le site web est formé d'associations canadiennes dirigées par le Conseil canadien du commerce de détail et représente plus de 120 000 entreprises canadiennes.

Selon ce site web, les frais d'interchange pratiqués au Canada sont parmi les plus élevés au monde. Leurs taux moyens sont de 2 p. 100 au Canada alors qu'ils sont de 0,45 p. 100 en Australie et de 0,78 p. 100 au Royaume-Uni, deux pays où les taux font l'objet d'une réglementation. Les autorités australiennes réglementent les frais d'interchange depuis cinq ans. Le Conseil canadien du commerce de détail estime que presque 2 dollars pour chaque tranche de 100 dollars canadiens dépensés à l'aide de cartes de crédits vont directement à Visa et à Master Card ainsi qu'à leurs banques émettrices.

M. Derek Nighbor, vice-président aux affaires nationales du Conseil canadien du commerce de détail, affirme que les coûts de traitement d'une transaction de 1 $ et d'une transaction de 100 $ sont presque similaires. Pourtant, les frais sont fondés sur un pourcentage du prix total de la vente. Il semble y avoir une incohérence.

Il y aussi la campagne connexe dirigée par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. J'ai rencontré les deux organisations.

J'estime que le Sénat doit absolument renvoyer la motion au comité. Nous devons veiller à ce que les entreprises soient respectées, que leur travail et leurs efforts ne soient pas sapés par des frais d'interchange excessifs et que, toutes choses étant égales par ailleurs, les frais pratiqués au Canada soient compétitifs. Nous devons veiller à ce que les taux d'intérêt exigés des consommateurs soient justes. Le taux actuel de la Banque du Canada s'établit à 2,25 p. 100, tandis que les émetteurs de cartes de crédit exigent des intérêts pouvant atteindre 24 p. 100.

Honorables sénateurs, il ne s'agit pas du Sénat ou de politiques partisanes, mais de réglementation, de responsabilisation et de surveillance. Il s'agit de notre économie.

Nous devons veiller à ce que les Canadiens se fassent entendre et exercer des pressions sur le gouvernement pour que celui-ci intervienne si nécessaire. J'espère que le Sénat permettra au comité de faire son travail et de poursuivre cette étude. Il n'y a pas de temps à perdre.