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Motion tendant à autoriser le comité à étudier les systèmes de cartes de crédit et de débit

Honorables sénateurs, j'ai déposé une motion qui propose que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à examiner les systèmes des cartes de crédit et de débit au Canada et leurs taux et frais relatifs, particulièrement pour les entreprises et les consommateurs, et à faire rapport sur le sujet.

Il s'agit pour moi d'une deuxième tentative, car j'ai eu la malchance de proposer cette même motion deux jours avant la prorogation de décembre dernier. Nous venons de perdre deux mois précieux de débat et de travail que nous aurions pu consacrer à cette question et à d'autres dossiers importants.

Selon mes recherches, les Canadiens détiennent 68,2 millions de cartes de crédit Visa et Master Card et s'en sont servis pour acheter des biens et services pour une valeur de 267 milliards de dollars en 2008.

Quatre-vingts pour cent de toutes les cartes de crédit au Canada sont des cartes Visa ou Master Card. Les consommateurs paient, sur leurs cartes de crédit, des taux d'intérêt pouvant atteindre 24,75 p. 100. Actuellement, au Canada, le taux d'intérêt légal peut s'élever à un maximum de 60 p. 100.

Les frais dont sont assortis les paiements par cartes de crédit — ou frais d'interchange, pour emprunter la terminologie du secteur financier — s'élèvent à un maximum de 3 p. 100 pour les entreprises, de 1,8 p. 100 pour les administrations publiques et de 1,5 p. 100 pour les organismes de bienfaisance. Les frais d'interchange sont établis par les émetteurs de cartes de crédit et leur sont versés. Pour les mêmes valeurs de vente, les entreprises canadiennes paient jusqu'à 6,7 milliards de dollars par année de plus en frais d'interchange que leurs homologues en Australie.

Au dire de certains, le Canada ne réglemente pas assez rigoureusement le crédit. Peut-on concevoir que même en 2008, la définition de la notion d'argent n'englobe pas officiellement l'argent électronique? Comme l'argent électronique n'est pas réglementé par les autorités fédérales, cela pourrait devenir un problème majeur.

Des groupes de consommateurs, comme Option consommateurs, ont fait valoir leurs préoccupations, et je crois que le Comité permanent des banques et du commerce devrait avoir la possibilité de les entendre.

Depuis le printemps 2008, les frais d'interchange et autres frais fixés par les émetteurs de cartes de crédit ont augmenté. Ces frais sont le pourcentage du prix total d'achat, y compris les taxes, que Visa, Master Card et les banques associées exigent des entreprises. Il existe aussi de graves inquiétudes au sujet des taux d'intérêt imposés par les émetteurs de cartes de crédit.

Depuis la première fois que j'ai essayé de proposer cette motion, j'ai reçu des réactions et des encouragements de la part de simples citoyens, ce qui a renforcé ma détermination à inciter le Sénat à agir sur cette question. Il ne faut pas s'y tromper. Les Canadiens sont furieux des taux d'intérêts exorbitants exigés par les banques et les émetteurs de cartes de crédit. Nous savons tous que la crise financière mondiale a incité le gouvernement fédéral à acheter aux banques canadiennes des titres hypothécaires de 75 milliards de dollars afin de maintenir leur capacité de consentir des prêts aux entreprises et aux particuliers. En outre, la Banque du Canada a injecté sur les marchés monétaires des liquidités supplémentaires de 36 milliards de dollars. Et une enquête récente de la Banque du Canada révèle un resserrement généralisé du crédit et des conditions de crédit. Voilà qui nous montre que, malgré les milliards que le gouvernement a dépensés pour les renflouer, les banques n'ont pas facilité l'accès au crédit pour aider l'économie canadienne. Le budget présenté hier prévoit 50 milliards de dollars de plus, pris à même l'argent des contribuables, pour tirer les banques d'affaire. Le gouvernement aura donc consacré 125 milliards de dollars aux banques, et c'est de l'argent que nous devons emprunter.

Voici deux exemples qui remettent les choses en perspective. D'abord, en octobre dernier, 13,8 millions de Canadiens sont allés voter. Les 125 milliards de dollars consacrés au sauvetage des banques représentent donc 9 058 $ par électeur. Ensuite, le secteur bancaire du Canada emploie environ 257 000 personnes au Canada. Les 125 milliards de dollars d'aide inconditionnelle représentent alors 486 380 $ par employé de banque.

Pourquoi n'a-t-on pas exigé que les banquiers réduisent leurs salaires élevés alors qu'on a imposé une réduction des salaires dans le secteur de l'automobile? Comment se fait-il que nous ayons deux poids, deux mesures — soit des critères pour les riches et d'autres pour les Canadiens de la classe moyenne?

Le 9 décembre 2008, la Banque du Canada a abaissé son taux préférentiel à 1,5 p. 100, mais les banques commerciales n'ont pas répercuté cette baisse pour en faire profiter les particuliers et les entreprises. En outre, le 20 janvier, la Banque du Canada a de nouveau réduit son taux d'intérêt principal, le ramenant à 1 p. 100. Les banques ont continué à augmenter les frais sur d'autres produits comme les lignes de crédit, les coffrets de sûreté, etc. Comment se fait-il que, alors que le taux préférentiel de la Banque du Canada diminue, les taux d'intérêt des cartes de crédit ne suivent pas la même tendance?

En décembre, la Banque TD a relevé les taux d'intérêt pour la plupart des clients de Visa qui, deux mois de suite, ne font pas le paiement minimum. Les clients qui mettent 30 jours après la date d'échéance à faire le paiement minimum devront payer des intérêts de 24,75 p. 100, ce qui représente une hausse de 5 points. Nous avons également appris que la Banque de Montréal avait prévenu ses clients d'une augmentation de 1 p. 100 du taux d'intérêt sur ses lignes de crédit accordées avant le 15 octobre 2008. Or, au cours de cette même semaine, la Banque de Montréal a annoncé qu'elle achetait une institution financière au Royaume-Uni. N'oublions pas que le taux préférentiel de la Banque du Canada se situe actuellement à 1 p. 100 et que ce taux est censé favoriser la confiance chez les consommateurs et les investissements des entreprises.

Placés dans une situation financière difficile, certains Canadiens dépendront davantage du crédit. Étant donné l'état actuel de notre économie, les consommateurs ont besoin de taux d'intérêt plus faibles pour maintenir leur pouvoir d'achat. Honorables sénateurs, les Canadiens paient des taux d'intérêt élevés sur les cartes de crédit même si les banques canadiennes ont reçu de l'aide du gouvernement fédéral.

Il y a un autre problème, celui du marketing agressif des sociétés émettrices de cartes de crédits auprès de divers groupes cibles, les jeunes et les étudiants étant les meilleurs exemples.

Voilà qui m'amène à parler de la sollicitation, car bien des cartes ne sont pas demandées, mais plutôt, pour ainsi dire, imposées par un choix implicite. Les stratégies de marketing agressives employées par les émetteurs pour donner aux consommateurs des cartes premières sont directement responsables de l'augmentation des frais d'interchange pour les entreprises et, ultimement, pour les consommateurs eux-mêmes.

Voilà un autre point auquel le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce voudra s'attaquer, si le Sénat l'y autorise en adoptant la motion.

Les sociétés émettrices vendent également des produits secondaires, comme l'assurance solde de crédit — et nous savons tous que les Canadiens sont le groupe de population qui possède le plus d'assurance à travers le monde.

Les frais imposés aux entreprises, organismes de charité, établissements d'enseignement, services gouvernementaux et autres entités pour les paiements par carte de crédit sont à la hausse. Selon mes recherches, les entreprises paient aux sociétés émettrices de cartes de crédit des frais pouvant atteindre 3 p. 100 du montant des achats et les sociétés émettrices de cartes de crédit augmentent ces frais dans le cas des cartes de primes et des clients à risques élevés.

On n'informe pas les entreprises des frais additionnels assortis aux facteurs de risque et on ne dit rien non plus sur le nombre de cartes de primes émises. L'an dernier, les cartes de primes occupaient 20 p. 100 du marché, ce qui représente environ 14 millions de cartes. Les entreprises n'ont pas le choix. Le contrat qu'elles signent avec le service de traitement des cartes comprend une clause dictée par les sociétés émettrices. Les entreprises doivent honorer toutes les cartes. Elles ne peuvent pas refuser les cartes de primes dont les frais sont plus élevés. Ce coût additionnel pour le milieu des affaires fait augmenter le coût du produit ou réduit la marge bénéficiaire, selon l'état du marché.

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui compte 105 000 membres provenant de tous les secteurs, a dénoncé dans un communiqué l'introduction de nouveaux types de cartes tels que la carte « première « ou la carte « Infinite ». Bien des Canadiens ont beaucoup plus de mal à refuser ces cartes que, du reste, ils n'ont pas demandées. On leur dit que leur crédit sera réduit s'ils n'activent pas leur nouvelle carte première, et il est à peu près impossible de retourner ces cartes. Celles-ci sont assorties de frais d'interchange très variables, et la complexité de leur structure devient un fardeau pour les entreprises. Diverses entreprises m'ont fait part de ce fait.

Les frais d'interchange payés par les détaillants sur les principales cartes de crédit rapportent des revenus de 4,5 milliards de dollars aux sociétés émettrices et aux banques. Les taux canadiens sont déjà parmi les plus élevés des pays industrialisés. Bien sûr, les sociétés émettrices doivent produire des revenus pour leurs actionnaires. Il me semble toutefois que ces taux doivent être justes, transparents et justifiés. Il faut donc les réglementer.

En 2006, la maison Diamond Management Consultants a mené une étude indépendante au terme de laquelle elle a estimé que seulement 13 p. 100 des frais imposés aux entreprises servent à éponger le coût réel des transactions. Le reste, soit, 87 p. 100, sert à financer des campagnes de marketing agressives et à gonfler les bénéfices des sociétés émettrices.

Au quatrième trimestre de 2008, Visa Inc. a réalisé un revenu net de 800 millions de dollars sur des recettes d'exploitation totalisant 6,3 milliards de dollars. Le rapport annuel de MasterCard Worldwide pour 2007 indique des profits nets de 1 milliard de dollars pour des revenus nets de 4,1 milliards de dollars. Le revenu net de MasterCard Worldwide a plus que doublé entre 2006 et 2007.

Honorables sénateurs, les cartes de crédit sont un mode de paiement important aussi bien pour les consommateurs que pour les détaillants. En 2008, on a utilisé 68,2 millions de cartes Visa et MasterCard au Canada pour acheter des marchandises d'une valeur de 267 milliards de dollars. Visa et MasterCard détiennent près de 80 p. 100 du marché national des cartes de crédit. Les sociétés émettrices sont donc extrêmement riches et puissantes. Y a-t-il collusion dans cette situation de quasi-monopole? Les hausses de taux proposées par les sociétés émettrices sont-elles un moyen de rattraper les 2 p. 100 de marge laissés par la réduction de 2 p. 100 de la TPS?

Il est impossible de revenir en arrière. Les paiements et l'argent électroniques sont essentiels aux opérations monétaires. Par conséquent, si 80 p. 100 des achats par carte de crédit sont mobilisés par deux sociétés, les parlementaires et le gouvernement ont tout lieu d'être vivement préoccupés.

Revenant sur de nombreux articles publiés au sujet de la hausse des frais d'interchange, Visa et MasterCard ont fait observer que le marché canadien des cartes de crédit est très compétitif. Comment peuvent-elles le prétendre puisqu'elles en détiennent 80 p. 100? Peut- on m'indiquer un autre marché au Canada où une compétition féroce entraîne une hausse des prix?

Nous devrions aussi étudier les répercussions que l'augmentation des frais d'interchange peut avoir sur les trois ordres de gouvernement, c'est-à-dire les sociétés d'État et les organismes gouvernementaux, les musées et les parcs, les services de délivrance de permis, qui tous paient des frais d'interchange lorsque les Canadiens achètent des services du gouvernement. Logiquement, toute augmentation des frais payés par ces entités doit entraîner une augmentation des coûts du gouvernement. Je viens du Nouveau- Brunswick et mon bureau communique avec Services Nouveau- Brunswick. Nous avons appris que cette société d'État payait des frais d'interchange pondérés de 1,813 p. 100.

Les organismes gouvernementaux et les sociétés d'État paient des frais d'interchange appréciables. Un rapport du Government Accountability Office des États-Unis dit que, pendant l'exercice 2007, les entités fédérales américaines ont accepté des paiements par carte totalisant plus de 27 milliards de dollars et ont payé au moins 433 millions de dollars en frais d'escompte de commerçant. Les entités qui peuvent établir précisément ce qu'elles paient en frais d'interchange ont déclaré des paiements par cartes de 18,6 milliards de dollars et des frais d'interchange de 208 millions.

Admettons que, toutes choses étant égales par ailleurs, le coût des cartes de crédit pour notre gouvernement est de 10 p. 100 de celui du gouvernement américain, puisque notre population représente le dixième de celle des États-Unis. Ce coût s'élèverait donc à environ 20 millions de dollars. Imaginez tout ce qu'on pourrait faire avec cet argent si on l'investissait dans un programme gouvernemental. Les honorables sénateurs conviendront que l'argent des contribuables pourrait être utilisé de manière plus efficace. Alors que, en Australie, le taux d'interchange fixé par voie législative est de 0,33 p. 100 pour le gouvernement et ses organismes, le taux s'élève à 1,813 p. 100 pour le gouvernement du Canada et ses organismes. La différence est de 1,5 p. 100.

Honorables sénateurs, lorsque les Canadiens font un don par carte de crédit à un organisme de charité, ils ne pensent pas qu'une portion de ce don sert à payer les entreprises émettrices de cartes de crédit. Or, à la lumière d'entretiens que j'ai eus avec quelques représentants de nos grands organismes de charité, il semble que les sociétés émettrices prélèvent en moyenne 1,5 p. 100 sur les dons à titre de frais d'interchange. Je dois préciser que ces sociétés ont déjà, par le passé, annulé leurs frais dans certains cas, comme au moment où un tsunami a frappé.

En Australie, MasterCard et Visa ont éliminé de façon volontaire les frais d'interchange pour les organismes de charité. Pourquoi ne peuvent-ils pas faire preuve du même civisme au Canada et appliquer la même politique? Étant donné les difficultés qui nous attendent, bien des Canadiens devront compter sur les organismes de charité, et ce sera un bon geste d'aider ces organismes.

Parallèlement, l'impact sur les entreprises et les consommateurs d'une hausse probable des frais sur les achats par carte de débit, comme Interac, est préoccupant.

Apparemment, Interac a amorcé des pourparlers avec le Bureau de la concurrence au sujet de l'abandon de son mandat à titre d'entreprise à but non lucratif. L'étude du comité devrait permettre d'éclairer le Bureau de la concurrence.

En 2006, la Banque du Canada a effectué un sondage qui a révélé que chaque opération réglée au moyen d'une carte de débit coûte en moyenne 12 cents au vendeur. Par ailleurs, certains détenteurs de carte de débit paient un forfait mensuel ou des frais par opération. Si Interac n'est plus une entreprise à but non lucratif, les frais de carte de débit augmenteront pour les entreprises, entraînant une hausse de prix pour le consommateur. Y aura-t-il une hausse des prix pour les consommateurs qui se servent de leur carte de débit pour faire des achats ou utilisent des guichets automatiques?

En décembre dernier, j'ai invité les sénateurs à prendre connaissance d'une campagne appelée « Stop Sticking It To Us » à l'adresse suivante : www.stopstickingittous.com. Le groupe qui a créé le site web est formé d'associations canadiennes dirigées par le Conseil canadien du commerce de détail et représente plus de 160 000 entreprises canadiennes, et ce nombre continue d'augmenter.

Selon ce site web, les frais d'interchange pratiqués au Canada sont parmi les plus élevés au monde. Leurs taux moyens sont de 2 p. 100 au Canada alors qu'ils sont de 0,45 p. 100 en Australie et de 0,78 p. 100 au Royaume-Uni, deux pays où les taux font l'objet d'une réglementation. Il ne faut pas perdre de vue le fait que les autorités australiennes réglementent les frais d'interchange depuis cinq ans.

Il y aussi la campagne connexe dirigée par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Cette dernière estime que les taux imposés aux entreprises manquent de transparence, puisqu'elles ne peuvent pas facilement préciser les frais de carte de crédit au point de vente.

Honorables sénateurs, j'ai la profonde conviction que le Sénat doit renvoyer au Comité la motion à l'étude. Nous devons veiller à ce que les entreprises soient respectées, que leur travail et leurs efforts ne soient pas sapés par des frais d'interchange excessifs. Toutes choses étant égales, les taux exigés au Canada devraient être aussi concurrentiels qu'en Australie.

Nous devons débrouiller l'écheveau complexe des frais et des taux pour garantir que les entreprises et les consommateurs seront traités avec équité et respect, d'une façon qui favorise un contexte économique durable et compétitif. Nous devons veiller à ce que les taux d'intérêt exigés des consommateurs soient justes. Le taux actuel de la Banque du Canada s'établit à 1 p. 100, tandis que les émetteurs de cartes de crédit exigent des intérêts pouvant atteindre 24,75 p. 100.

Honorables sénateurs, ce qui est en cause ici, ce n'est pas le Sénat ni des politiques sectaires, c'est plutôt une question de réglementation, de responsabilisation et de surveillance. C'est de notre économie qu'il s'agit.

Nous devons veiller à ce que les Canadiens puissent se faire entendre et exercer des pressions sur le gouvernement pour qu'il intervienne. Étant donné que la première étape consiste à réunir tous les faits, j'espère que le Sénat autorisera le comité à faire son travail et à réaliser cette étude. Le plus tôt sera le mieux.