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Motion tendant à autoriser que le projet de loi S-214, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et d'autres lois (passif non capitalisé des régimes de pension), soit lu pour la deuxième fois.

L'honorable Pierrette Ringuette propose:

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-214, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et d'autres lois (passif non capitalisé des régimes de pension). Ce projet de loi est identique au projet de loi S-245, que j'avais présenté en décembre 2009, mais qui est malheureusement mort au Feuilleton lorsque le gouvernement a eu la mauvaise idée de proroger le Parlement.

S'il est adopté, ce projet de loi accorderait aux pensionnés d'une entreprise ayant déclaré faillite le statut de créanciers privilégiés pendant la procédure de faillite afin d'offrir à ceux qui ont passé leur vie à préparer leur retraite une meilleure chance de conserver une partie de l'argent qui leur est dû et de les mettre sur un pied d'égalité avec les autres créditeurs, qui entretiennent depuis beaucoup moins longtemps une relation avec l'entreprise ayant déclaré faillite.

Ce texte ressemble à la Loi sur le programme de protection des salariés, que le Sénat a adoptée en 2005. Le gouvernement libéral a soutenu alors, à juste titre, que les salaires qui devaient être versés aux employés d'une entreprise en faillite devaient bénéficier d'une certaine priorité.

Mes amis d'en face se sont sans doute ralliés à cette opinion puisque le gouvernement conservateur a élargi le programme dans son Plan d'action économique. Puisque nous nous sommes entendus pour accorder aux salariés le rang de créanciers privilégiés sans l'accorder aux retraités, il est grand temps de remédier à ce déséquilibre.

Malheureusement, le Canada accuse du retard en ce qui concerne la protection des retraités touchés par des procédures de faillite. Lors de son témoignage devant le Comité des finances de la Chambre des communes, Mme Diane Urquhart, une analyste financière indépendante, a dit ceci :

Le Canada accuse du retard par rapport aux autres pays pour ce qui est de la protection des employés mis à pied, des retraités, des survivants et des bénéficiaires de prestations d'invalidité de longue durée en cas de faillite d'entreprise. J'ai effectué une étude au cours de la période des fêtes de fin d'année et j'ai constaté que 40 des 53 pays visés dans une étude de l'OCDE assurent un statut privilégié ou meilleur aux employés en ce qui concerne leurs avantages sociaux ou possèdent un programme public de protection des pensions.

Honorables sénateurs, je donne un exemple. Dans ma région, au Nouveau-Brunswick, le comté de Madawaska est relié à l'autre rive du fleuve par un pont. Nous sommes également liés par une usine de pâtes et papiers. La pâte est fabriquée à Edmunston, au Nouveau- Brunswick, et est expédiée de l'autre côté du fleuve, par bateau, à Madawaska, dans le Maine, où on fabrique du papier couché. Les employés de l'usine Fraser à Madawaska, dans le Maine, bénéficient d'un régime de protection des pensions en vertu d'une loi fédérale américaine. Cependant, leurs collègues de la même entreprise qui travaillent à Edmunston, au Nouveau-Brunswick, n'ont absolument aucune protection à cet égard. Ce projet de loi vise à remédier à une telle différence de traitement.

Honorables sénateurs, soyons parfaitement clairs. La mesure législative dont nous sommes saisis, en l'occurrence le projet de loi S-214, ne propose pas que le gouvernement fasse des cadeaux. Elle ne vise pas non plus à imposer un fardeau supplémentaire aux contribuables canadiens. Qui plus est, elle n'aura aucune incidence sur le bilan du gouvernement. En fait, si ce projet de loi n'est pas adopté, des dizaines de milliers de Canadiens, qui devraient recevoir des prestations de retraite raisonnables et bénéficier d'avantages médicaux, seront forcés de vivre juste au-dessus du seuil de pauvreté et seront notamment admissibles au crédit d'impôt pour la TPS, au Supplément de revenu garanti et aux programmes d'assurance- médicament du gouvernement provincial.

Je tiens à être très claire. Si nous n'adoptions pas le projet de loi S- 214, les employés et les retraités des entreprises qui ont fait faillite auront besoin de l'appui financier du gouvernement dans le cadre d'une panoplie de programmes distincts et il ne fait aucun doute que ce seront les contribuables canadiens qui paieront la note pendant de nombreuses années.

Cette mesure législative assurerait un peu plus de sécurité, de transparence et, ce qui est plus important, d'équité dans les procédures de faillite, notamment pour ce qui est de l'argent qui est dû aux retraités.

Malheureusement, mes collègues d'en face ne voient pas l'urgence de la situation. Tous les jours, on a beau entendre parler de Nortel, d'Abitibi Bowater ou de Papiers Fraser, le gouvernement conservateur ferme les yeux sur les retraités.

En fait, le ministre des Finances a décidé de commander une autre étude plutôt que d'agir. Sauf mon respect pour le ministre des Finances et pour mes collègues d'en face, cela n'est pas suffisant. Ces retraités n'ont pas le temps d'attendre les résultats d'une autre étude gouvernementale.

La nécessité de prendre des mesures urgentes nous a été vivement rappelée vendredi dernier lorsqu'un juge de la Cour supérieure de l'Ontario a rejeté l'entente temporaire qu'avait conclue la société Nortel Networks avec ses retraités et ses employés touchant des prestations d'invalidité. Cette entente aurait permis aux anciens employés de se prévaloir d'éventuelles modifications à la Loi sur la faillite et de prolonger ainsi leurs prestations jusqu'à la fin de l'année. Malheureusement, la cour a décidé que cette entente pénalisait injustement d'autres créditeurs de Nortel parce qu'aucun montant n'avait été fixé. Par conséquent, le 31 mars 2010, c'est-à- dire demain, il n'y aura plus de fonds pour financer les prestations et les régimes de pensions de ces anciens employés, à moins qu'une autre entente temporaire ne soit conclue.

En conséquence de cette décision, certains retraités, et les employés qui reçoivent des prestations d'invalidité de longue durée, craignent que leurs prestations ne cessent dès demain. Il est difficile pour les retraités de planifier à long terme lorsque leur période de prestations arrive à terme une semaine après une regrettable décision judiciaire.

Toutefois, ce projet de loi ne s'applique pas seulement aux retraités de Nortel ou d'AbitibiBowater. Il s'applique en fait à tous les retraités du Canada qui s'inquiètent que le travail de toute une vie, les contributions qu'ils ont patiemment versées dans le régime de pensions de leur société, et la stabilité ainsi que la sécurité dont ils ont bénéficié toute leur vie, disparaissent et qu'ils soient les plus récentes victimes de la récession économique.

Honorables sénateurs, comprenons-nous bien : dans le débat qui nous occupe, les régimes de pension ne sont rien d'autre qu'un salaire différé. C'est pourquoi il faut absolument que nous agissions et que nous modifiions la Loi sur la faillite et l'insolvabilité afin que ces salaires différés sur une longue période soient aussi bien protégés que ce que prévoient les dispositions du Programme de protection des salariés.

Honorables sénateurs, j'espère que ce projet de loi ne deviendra pas un autre sujet de discorde partisane entre nous. Les retraités ne doivent pas être considérés comme des otages politiques ou économiques. Les retraités ont besoin de cette mesure législative le plus rapidement possible. Renvoyons-la donc rapidement au comité, où nous pourrons entendre des experts des deux côtés et façonner un projet de loi que tous les sénateurs pourront appuyer. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que tous les sénateurs prennent les besoins de nos retraités au sérieux. Prouvons à tous que nous pouvons parler de la même voix en adoptant le projet de loi S-214. Le temps presse pour trop de Canadiens qui ont déjà besoin de notre aide.

Il ne s'agit pas d'un cadeau du gouvernement; il s'agit de protéger les retraités qui ont contribué à leur régime de pension toute leur vie professionnelle. Ce projet de loi leur permettrait tout simplement de toucher l'argent qui leur est dû.