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S-201 : Loi modifiant la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Honorables sénateurs, j'ai aujourd'hui l'honneur d'ouvrir le débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-201 intitulé Loi modifiant la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, que j'ai déposé le 5 avril dernier.

Ce projet de loi vise un double objectif.

Premièrement, il a pour but d'interdire l'adoption de critères géographiques pour définir une zone de sélection en vue de l'admissibilité à un processus de nomination.

Deuxièmement, ce projet de loi veille à ce que les nominations internes et externes à la fonction publique soient exemptes de favoritisme bureaucratique

Actuellement, la Commission de la fonction publique adopte des critères géographiques pour définir l'admissibilité aux concours internes et externes dans la fonction publique.

Cette restriction géographique à l'obtention d'emplois du gouvernement fédéral est fixée par règlement et, pour la plupart, à un rayon de 50 kilomètres de l'endroit officiel du concours, ce qui empêche des Canadiens et des Canadiennes compétents d'obtenir un emploi.

Ce processus actuel de sélection limite les possibilités d'accès de tous les Canadiens aux emplois de la fonction publique. Cette situation a trait aux emplois du gouvernement fédéral dans toute une région et même toute une province, car la candidature d'une personne est automatiquement rejetée si elle réside à l'extérieur de ce rayon de 50 kilomètres.

Par exemple, dans la grande région d'Ottawa, la région de la capitale qui chevauche l'Ontario et le Québec, la population atteint presque un million. Ce groupe d'un million d'habitants a un accès presque exclusif à 60 p. 100 des emplois de la fonction publique fédérale, sans compter les emplois dans les sociétés d'État, les agences publiques ainsi que sur la Colline du Parlement.

Étant donné qu'un faible pourcentage de ces emplois se situent à Montréal et à Toronto, c'est dire que 0,3 p. 100 de la population canadienne a accès à environ 60 p. 100 des emplois du gouvernement fédéral. Or, 60 p. 100 des emplois du gouvernement fédéral, c'est 200 000 emplois. Si l'on suppose que le salaire annuel se situe en moyenne à 55 000 $ par an, cela représente une liste de paie annuelle de $11 milliards de dollars, dont environ 7,5 milliards en Ontario seulement.

Dans la même ligne de pensée et dans un esprit d'équité et de justice, le 0,3 p. 100 de la population de la région de la capitale n'a pas accès aux autres 40 p. 100 des emplois du gouvernement fédéral qui se trouvent à l'extérieur de la capitale nationale. Par conséquent, 99,7 p. 100 des Canadiens ont accès à 40 p. 100 des emplois du gouvernement fédéral, dans la mesure où ils vivent à moins de 50 kilomètres de ces emplois.

Par exemple, quelqu'un qui vit à Kingston ne peut présenter une demande visant un emploi à Ottawa. Un habitant de Hamilton ne peut postuler un emploi à Toronto. Un habitant d'Edmundston, de Grand Falls ou de Woodstock, au Nouveau-Brunswick, ne peut postuler un emploi à Fredericton, Bathurst ou Moncton, au Nouveau-Brunswick.

Pour les emplois, le site web officiel du gouvernement du Canada est emplois.gc.ca. Je consulte régulièrement ce site. La dernière fois que je l'ai fait, il y avait quatre options. Dans le cas des postes sans restriction géographique, il y en avait 43 et ils se trouvaient un peu partout au Canada. Les emplois offerts dans la région — celle de la capitale nationale et de l'est de l'Ontario — étaient au nombre de 30.

Pour la région de la capitale nationale et de l'est de l'Ontario, il y avait une liste de 30 emplois, dont 18 étaient exclusifs à cette région et 12 étaient ouverts à diverses régions. Somme toute, 60 p. 100 de ces emplois étaient exclusifs à Ottawa.

Au Nouveau-Brunswick, il y avait une liste de 11 emplois, mais deux pour les habitants du Nouveau-Brunswick seulement. Cela signifie qu'à peine 18 p. 100 de ces emplois étaient ouverts exclusivement à des habitants du Nouveau-Brunswick. Au Québec, 24 emplois étaient offerts, dont 14 pour des personnes habitant dans un rayon de 50 kilomètres, autrement dit une exclusivité de 58 p. 100. Il n'y a vraiment pas de quoi être très fier.

Je vais maintenant vous signaler certains faits qui figurent dans le rapport annuel de 2004-2005 de la Commission de la fonction publique, déposé l'automne dernier.

En 2004-2005, près de 35 000 personnes sont entrées dans la fonction publique. L'embauche vise encore surtout une main- d'œuvre occasionnelle pour une période donnée. À Ottawa, on dit dans la fonction publique que ce sont des emplois « d'une durée déterminée ». Au Canada atlantique ou dans l'est du Québec, on dit que ce sont des emplois « saisonniers », je le signale simplement pour que tout le monde comprenne la terminologie utilisée ici.

Le nombre de nouveaux employés permanents nommés pour une période indéterminée a chuté pour s'établir à 9 426 dans une organisation qui compte 153 000 employés permanents. De ces nouveaux employés permanents nommés pour une période indéterminée, seulement 3 400, ou 10 p. 100, viennent de l'extérieur de la fonction publique, les autres proviennent du groupe d'employés nommés pour une période déterminée.

Venons-en au groupe d'employés nommés pour une période déterminée. Seulement 26 p. 100 des 35 000 employés embauchés pour une période déterminée, autrement dit des occasionnels, venaient de l'extérieur de la fonction publique. Ceux qui provenaient du groupe d'employés occasionnels avaient clairement un avantage lors de concours menant à des emplois permanents, puisqu'ils avaient bénéficié d'un accès privilégié au lieu de travail et avaient eu la possibilité de se familiariser avec l'emploi et la fonction publique avant de postuler le poste en question.

Les gestionnaires respectent le minimum des exigences de la politique pour recruter à l'échelle nationale afin de combler tous les postes de niveau supérieur, mais autrement, ils optent pour les dispositions limitant les concours selon la région géographique. Cette option sert à gérer un grand nombre de candidats. Il s'ensuit que 19 p. 100 de tous les emplois annoncés à l'extérieur et 28 p. 100 dans la région de la capitale nationale utilisent une zone de sélection nationale.

Aux termes du projet de loi C-25, les gestionnaires auront une plus grande latitude dans le processus d'embauche. Ils détermineront si, oui ou non, ils annonceront des postes et combien de candidats ils voudront pour un poste.

Ces faits ne tiennent pas compte d'autres tactiques de coulisse utilisées par les gestionnaires, pour saper l'équité et l'impartialité du processus de recrutement, en embauchant des employés occasionnels ou pour une période déterminée, sans tenir de concours, en s'adressant à diverses agences de placement ou à des chasseurs de têtes.

Je vous incite à consulter la très longue liste des agences de placement dans l'annulaire des Pages Jaunes d'Ottawa. Les gestionnaires ont couramment recours aux services de la plupart d'entre eux pour embaucher des employés de façon détournée et, ainsi, se moquer des règles en place.

Honorables sénateurs, ces données fournies par la Commission de la fonction publique et les promesses qui nous ont été faites il y a deux ans pour que nous n'amendions pas le projet de loi C-25, Loi sur la modernisation de la fonction publique, montrent qu'il est important que nous adoptions rapidement ce projet de loi S-201.

Il y a deux ans, le ministre responsable du Conseil du Trésor a reçu 40 millions de dollars pour la mise en œuvre de la loi C-25, ce qui comprenait des fonds pour mettre à jour la technologie relative au recrutement électronique afin de faire disparaître les restrictions géographiques au recrutement.

Ceci n'a pas encore été fait. Comme la plupart d'entre nous l'avaient prévu, la souplesse accrue que donne aux gestionnaires la Loi sur la modernisation de la fonction publique leur permet d'imposer constamment des restrictions géographiques ou de continuer à contourner les règles en place.

Contourner les règles leur semble facile et même ordinaire. C'est pourquoi nous avons besoin de ce projet de loi pour faire respecter l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes.

La politique d'embauche à l'échelle nationale de la Commission de la fonction publique n'est appliquée que pour 19 p. 100 des emplois dans toutes les régions et, heureusement, depuis le 1er avril 2006, pour 60 p. 100 des emplois de la région de la capitale nationale pour les emplois ouverts au public.

Honorables sénateurs, je comprends que le fait d'ouvrir le processus d'embauche fédéral à tous les Canadiens accroîtra la charge administrative des gestionnaires, mais j'opte quand même pour la justice et l'équité. La charge administrative ne devrait pas constituer un facteur quand il s'agit de respecter le droit à la mobilité garanti aux Canadiens par l'article 6 de notre Charte des droits et libertés.

L'ex-ministre Reg Alcock avait annoncé une augmentation graduelle dans le pourcentage au niveau de la sélection.

Je me félicite de cet effort. Toutefois, on ne peut pas redresser un tort en en commettant un autre. Permettez-moi de m'expliquer. C'est un peu comme la discrimination à rebours. Trois décennies de discrimination fondées sur des barrières géographiques s'appliquant à 60 p. 100 des emplois fédéraux à Ottawa ne nous permettent pas, comme parlementaires et comme Canadiens, d'accepter ce concept. La réalité, c'est que même si des emplois sont ouverts au public, il reste encore 40 p. 100 d'emplois fédéraux, un peu partout dans le pays, qui comportent des barrières géographiques pour tous les Canadiens, y compris ceux qui vivent dans la région de la capitale.

Le fait de donner accès aux 60 p. 100 d'emplois fédéraux qui font l'objet d'annonces publiques à Ottawa ne revient pas à donner accès à 100 p. 100 des emplois fédéraux à tous les Canadiens, comme le préconise ce projet de loi. Nous avons besoin de cette mesure législative pour assurer justice et équité à tous les Canadiens et pour rendre obligatoire une zone de sélection nationale. Il ne s'agirait plus d'une règle, je répète que ce serait une obligation.

Je voudrais également avertir les honorables sénateurs que, sur les 5000 travailleurs de la Colline du Parlement, beaucoup sont des employés permanents qui n'ont pas été engagés par des députés ou des sénateurs. Ce sont des employés de la Chambre des communes et du Sénat ainsi que des autres services nécessaires au fonctionnement du Parlement. Ici aussi, il y a une discrimination géographique dans la plupart des concours. En septembre dernier, la Bibliothèque du Parlement a lancé le concours no 05-F-13, en fixant le 28 septembre comme date limite. Il s'agissait d'un poste de durée indéterminée, les fonctions étant celles d'agent principal aux opérations comptables des Services des finances et du matériel. La zone de concours était limitée à 50 kilomètres à la ronde.

Il est vraiment curieux qu'ici même, au Parlement, où siègent des parlementaires qui représentent tous les Canadiens, nous permettions que des barrières géographiques soient imposées sur la Colline, centre de la démocratie dans notre pays. Le projet de loi S-201 ne supprime pas ces barrières à l'emploi sur la Colline. Nous ne devrions pas avoir besoin d'un projet de loi pour inclure tous les Canadiens. Cela devrait aller de soi ici, chez nous.

Je demande donc aux sénateurs membres de tous les comités qui s'occupent de l'administration du Parlement d'interdire officiellement les barrières géographiques dans tout concours organisé sur la Colline.

Après la deuxième lecture de ce projet de loi, la première fois qu'il a été déposé, j'ai écrit aux Présidents des deux Chambres pour attirer leur attention sur cette question. J'ai le regret de dire que je n'ai reçu que des réponses passives.

Pendant des décennies, les gouvernements canadiens successifs, le corps diplomatique et tous les Canadiens se vantaient de promouvoir la justice et l'équité partout dans le monde. Il est temps que la justice et l'équité règnent ici aussi, dans notre pays, pour tous les Canadiens d'un océan à l'autre. Il est vraiment malheureux que nous ayons à imposer la justice et l'équité par voie législative pour nos propres citoyens, afin de leur ouvrir l'accès aux emplois fédéraux et leur accorder le droit à la mobilité garanti par la Charte des droits et libertés, que l'administration fédérale cherche à limiter.

Ce droit est très clair. D'après l'article 6 de la Charte canadienne des droits et libertés, tout citoyen canadien et toute personne ayant le statut de résident permanent au Canada ont le droit de gagner leur vie dans toute province.

Honorables sénateurs, pourquoi faut-il qu'à notre époque de technologie de pointe et d'accès facile aux communications rapides, le gouvernement choisisse les candidats aux postes de fonctionnaires parmi les personnes dont le lieu de résidence se trouve à l'endroit où le poste doit être occupé?

Cela pourrait être justifiable en 1900, 1910, mais pas en 2006. La plupart des gens reconnaissent qu'une personne compétente qui trouve un emploi qui lui convient, en fonction de ses études et de son expérience, est disposée à se réinstaller ailleurs, que ce soit dans le secteur privé ou public.

Pendant des années, l'embauche des employés du gouvernement fédéral a été soumise à des restrictions géographiques. En conséquence, 80 p. 100 des fonctionnaires fédéraux sont originaires de Montréal, d'Ottawa et de Toronto, et composent 60 p. 100 des emplois.

Nous pouvons imaginer l'influence de ces 80 p. 100 des fonctionnaires sur l'élaboration des politiques et des programmes. Ils analysent les problèmes, formulent des recommandations et appliquent les programmes en fonction de leur milieu, de leur patrimoine, de connaissances acquises dans leur partie du pays.

Les parlementaires et la population se demandent ensuite pourquoi les programmes ne satisfont pas aux besoins régionaux; pourquoi les politiques et les programmes sont-ils élaborés en fonction de collectivités urbaines; pourquoi y a-t-il autant de formalités administratives; pourquoi chacun doit-il s'adresser à une boîte vocale plutôt qu'à une personne; pourquoi les fonctionnaires ne comprennent-ils pas le fonctionnement des industries de transformation des richesses naturelles comme les pêcheries, la foresterie de production et l'agriculture; et pourquoi ne comprennent-ils pas les besoin des travailleurs saisonniers et de ses industries?

Essentiellement, de nombreux fonctionnaires ne connaissent rien des réalités des secteurs d'activités énumérés ci-haut, sauf les données qu'ils analysent et au sujet desquelles ils formulent des hypothèses.

Les habitants des régions et des collectivités rurales ne peuvent obtenir d'emplois fédéraux; ils se sentent donc tenus à l'écart et ressentent de l'insatisfaction à l'égard de leur gouvernement central.

Le processus actuel les empêche de profiter des occasions qui devraient leur être offertes en tant que contribuables canadiens. Le fiscaliste ne se soucie pas du lieu de résidence des contribuables qui paient leurs impôts, et la candidature des demandeurs d'emploi compétents ne devrait pas être rejetée à cause de leur lieu de résidence, car en fait nous sommes tous des contribuables. Ces restrictions géographiques ne sont pas acceptables.

À titre de sénateurs, nous avons le devoir de défendre l'égalité de traitement de tous les habitants des diverses régions qui composent notre pays. Aujourd'hui, en présentant ce projet de loi sur l'accessibilité, c'est exactement ce que je fais. D'après la nouvelle Loi sur la modernisation de la fonction publique, qui a reçu la sanction royale en 2003, les gestionnaires ont une plus grande responsabilité et plus de latitude pour tenir compte d'un certain nombre de facteurs lorsqu'ils recrutent des employés. Cela constitue, pour moi, une source de préoccupation à cause de la limitation de l'accès des candidats à l'échelle nationale et du risque de favoritisme. Je parle de ce grave problème depuis 13 ans. Ce problème est également mis en évidence par le manque de planification en gestion des ressources humaines. Dans de nombreux ministères, cela revient à des pratiques de dotation inefficaces.

Le Rapport annuel 2004-2005 de la Commission de la fonction publique dit ceci, à la page 48 du chapitre 2 : « Seulement 36 p.100 des organisations disposent d'un plan ou d'un processus de planification des ressources humaines. » Aucune organisation de service du secteur privé ne survivrait ou ne pourrait livrer concurrence sans un minimum de planification des ressources humaines. Actuellement, on dirait que les gestionnaires engagent du personnel selon leurs caprices. Pas étonnant qu'ils fassent du recrutement par des voies détournées. Ces autres 64 p. 100 des ministères fédéraux n'ont pas de plans des ressources humaines. Ils n'ont donc pas la moindre idée des besoins actuels ou futurs de leur organisation.

Le deuxième objectif du projet de loi S-201 est d'interdire le favoritisme fondé sur des critères géographiques ou, pour employer la terminologie de la Commission de la fonction publique, le « favoritisme personnel ». Depuis des années, les parlementaires se doutent que les gestionnaires font des nominations par favoritisme. En 2003, la vérificatrice générale, Sheila Fraser, a vérifié le processus d'embauche pour combler les postes d'étudiants. Elle a conclu que 25 p. 100 des étudiants employés pendant l'été dans la fonction publique avaient été engagés par favoritisme bureaucratique.

Pendant les audiences du Comité sénatorial permanent des finances nationales, en 2003-2004, la question a été abordée avec Mme Barrados, présidente de la Commission de la fonction publique. Par la suite, heureusement, la commission a étudié le problème et elle a présenté ses constatations dans un rapport d'octobre dernier, Étude sur le favoritisme personnel dans la dotation et le recrutement à la fonction publique fédérale. Voici quelques chiffres intéressants qu'on trouve à la page 11 de ce rapport sur le favoritisme : d'abord, 45 p. 100 des répondants pensent qu'il y a souvent ou toujours du favoritisme dans leur unité de travail; 28 p. 100 sont d'avis qu'il y en a souvent; 45 p. 100 pensent qu'il y en a parfois. Au total, 73 p. 100 reconnaissent qu'il existe du favoritisme bureaucratique dans le système.

On lit également ceci à la page 14 du rapport :

Faisons cependant remarquer que ce ne sont pas toutes les manipulations des qualifications qui sont ainsi évidentes. Dans nos récentes vérifications, nous avons trouvé des exemples de situations où les qualifications avaient été adaptées en vue de favoriser une personne ou un groupe de personnes en particulier, tant dans le cadre de concours auxquels le public était admissible que de concours destinés uniquement aux fonctionnaires. On avait par exemple modifié les exigences liées aux études, aux langues officielles et à la sécurité de manière à les faire correspondre au profil d'une personne donnée.

La Commission de la fonction publique a publié un autre rapport en octobre dernier, Vérification de la documentation de dotation, dans lequel on lit, à la page 3, que la documentation était inadéquate ou incomplète surtout à l'étape de l'évaluation et que la documentation était meilleure dans les processus avec concours que dans ceux où il n'y en a pas. La justification du recours à une nomination sans concours manquait ou était inadéquate dans 15 p. 100 des dossiers; l'évaluation était inadéquate dans 38 p. 100 des dossiers et dans 66 p. 100 des dossiers des processus de nomination sans concours.

Dans son rapport annuel de 2004-2005, la Commission de la fonction publique dit qu'il n'y a pas de favoritisme politique. Bravo ! C'est grâce à la législation, non aux règles et lignes directrices qui interdisent cette pratique. Néanmoins, la commission établit un lien avec le favoritisme bureaucratique ou personnel lorsqu'elle analyse et définit la notion d'impartialité. À la page 22, les expressions « favoritisme bureaucratique » et « favoritisme personnel » sont définis en ces termes :

Pour ce qui est du processus de dotation et de recrutement à la fonction publique fédérale, le favoritisme personnel vise une mesure ou une attitude inappropriée de la part d'un ou d'une fonctionnaire qui, en utilisant ses connaissances, ses pouvoirs ou son influence, accorde un avantage indu ou un traitement préférentiel à : 1) une employée ou un employé actuel ou à 2) une candidate ou un candidat, en vue d'un emploi à la fonction publique, afin d'en tirer un gain personnel contraire au bien de l'organisation.

La plupart des gens reconnaissent que le favoritisme bureaucratique peut avoir un effet préjudiciable sur le grand public et plus particulièrement chez les fonctionnaires. En effet, il a été établi que la simple perception de favoritisme bureaucratique en milieu de travail avait des conséquences pour la motivation et l'efficacité de l'employé. Imaginez l'impact lorsque 73 p. 100 des fonctionnaires interrogés admettent qu'il y a du favoritisme dans leur unité de travail.

Le problème n'est pas l'apanage du Canada. D'autres pays ont essayé de s'y attaquer. Au Royaume-Uni, par exemple, le favoritisme bureaucratique est mentionné dans le code de recrutement. Ce code établit le principe fondamental voulant que les nominations soient fondées sur le mérite. En Nouvelle-Zélande, on s'attaque au problème au moyen de « Policy Conventions ».

Le modèle australien traite de la question avec plus d'efficacité. Les dispositions qui répriment le favoritisme bureaucratique se situent à deux niveaux. D'abord, lorsque l'Australie a modernisé sa loi sur la fonction publique, en 1999, elle y a prévu une disposition qui traite directement du problème. L'article 17, portant sur l'interdiction du favoritisme, dispose que quiconque exerce des pouvoirs en vertu de la nouvelle loi ou de son règlement au sujet de l'embauche d'employés de la fonction publique australienne ou à l'égard de ces employés doit le faire en s'abstenant de tout favoritisme. Deuxièmement, il y a des dispositions contre le favoritisme dans les directives du commissaire de la fonction publique portant sur trois des valeurs définies dans la loi.

L'Australie a non seulement pris des mesures pour réprimer le favoritisme bureaucratique, mais aussi donné à ces mesures un caractère législatif officiel et les a assorties d'une procédure de grief.

Pour conclure, honorables sénateurs, je crois que tout Canadien compétent doit pouvoir postuler des postes de l'administration fédérale peu importe où il habite et peu importe où se trouvent ces postes au Canada. C'est une question d'équité, de justice et de droits garantis par notre Charte des droits et libertés. L'actuel processus de sélection limite gravement l'accès aux postes de la fonction publique pour tous les Canadiens et prive donc tous les Canadiens de fonctionnaires plus compétents. Le projet de loi S-201 vise à modifier la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et la loi qui la remplacera, pour améliorer l'accès aux postes de la fonction publique dans toutes les régions du Canada en supprimant les critères géographiques dans le processus de sélection et en ajoutant des possibilités de griefs contre le favoritisme bureaucratique.

J'ai reçu des appels, des lettres et des messages électroniques de Canadiens des quatre coins du pays qui appuient le projet de loi proposé. Il peut s'agir par exemple d'un ancien militaire qui habite à Halifax et souhaite postuler un emploi à Moncton, mais ne peut le faire à cause de la limite de 50 kilomètres.

Comme tous les Canadiens, j'espère que les honorables sénateurs appuieront le projet de loi et écarteront toutes les tactiques dilatoires ou les règles et lignes directrices qui pourraient être proposées. Si le leader du gouvernement veut également recourir à des tactiques dilatoires pour freiner ce projet de loi qui réclame justice et équité pour tous les Canadiens, nous saurons à quoi nous en tenir.

Je propose que le projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales pour qu'il soit étudié en plus grand détail.