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La sénateure Ringuette remet en question la légalité des définitions utilisées par Agriculture Canada

Pour publication immédiate

 

Le 16 octobre 2014

 

La sénateure Ringuette remet en question la légalité des définitions utilisées par Agriculture Canada

 

Jeudi dernier, la sénateure Pierrette Ringuette a pris la parole au Sénat pour appuyer sa motion visant l’étude des processus d’évaluation et d’appel du Programme canadien de stabilisation du revenu agricole (PCSRA), y compris les programmes de remplacement, Agri-stabilité et Agri-investissement.

En particulier, la sénateure a demandé qu’on se penche sur la définition et l’application des expressions « salaires versés à des personnes sans lien de dépendance » et « salaires versés à des personnes ayant un lien de dépendance » utilisées au titre des programmes.

Les expressions « salaires versés à des personnes sans lien de dépendance » et « salaires versés à des personnes ayant un lien de dépendance » font référence au lien qu’entretient un employé avec son employeur. Un employé type est considéré « sans lien de dépendance ». Le « lien de dépendance » est sensiblement différent d’un lien marchand ordinaire et suppose généralement une dépendance entre les parties.

Cela a une incidence sur le montant que les agriculteurs peuvent demander au titre des dépenses remboursables ainsi que sur le montant qu’ils peuvent recevoir au titre des programmes de stabilisation du revenu.

La sénateure Ringuette a reçu bon nombre de plaintes d’électeurs selon lesquels Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) n’applique pas la définition établie aux termes de la loi comme les autres entités et programmes gouvernementaux, notamment l’Agence du revenu du Canada, le Régime de pensions du Canada et l’Assurance-emploi.

Les définitions appliquées par ces organismes et programmes ont été juridiquement établies dans le cadre de nombreux cas devant les tribunaux et se trouvent dans les lois et les règlements, dont la Loi de l’impôt sur le revenu.

En outre, l’administration d’AAC à Winnipeg n’autorise pas les appels des décisions rendues sur l’application de ces définitions. Elle ne permet pas à la commission d’appel d’entendre ceux qui sont touchés par ses décisions.

La motion de la sénateure Ringuette vise à déterminer le fondement juridique de la définition et de l’application des expressions utilisées au titre de ces programmes ainsi que les raisons pour lesquelles elles diffèrent de la définition établie en vertu des autres lois, règlements, requêtes et précédents judiciaires.

La sénateure Ringuette a fait de nombreuses requêtes auprès du ministre pour obtenir une réponse et pour qu‘il fournisse le fondement juridique de cette irrégularité. Il n’a pas réussi à expliquer à la sénateure Ringuette les raisons pour lesquelles la définition de ces expressions diffère pour les programmes agricoles et les raisons pour lesquelles le processus d’appel est interdit.

Vous trouverez ci-joint une transcription des propos de la sénateure Ringuette.

Pour plus de renseignements :

 

Tim Rosenburgh

Bureau de la sénateure Pierrette Ringuette

timothy.rosenburgh@sen.parl.gc.ca

613-943-2248

 

Transcription

Motion tendant à autoriser le comité à étudier le Programme canadien de stabilisation du revenu agricole—Ajournement du débat

L'honorable Pierrette Ringuette, conformément au préavis donné le 11 juin 2014, propose :

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à étudier :

le processus d'évaluation et d'appel du Programme canadien de stabilisation du revenu agricole (PCSRA), y compris les programmes de remplacement, Agri- stabilité et Agri-investissement;

la définition, y compris les précédents juridiques et le cadre réglementaire, et l'application des expressions « salaires versés à des personnes sans lien de dépendance » et « salaires versés à des personnes ayant un lien de dépendance » utilisées dans le PCSRA et les programmes connexes, et leur comparaison avec les définitions et applications à Revenu Canada et à Emploi et Développement social Canada;

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 31 mars 2015 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

— Honorables sénateurs, la motion que vous avez devant vous fait suite aux consultations ordinaires que j'ai tenues dans ma région, une région agricole, et aux commentaires que j'ai reçus de la part de plusieurs agriculteurs de ma région. Il y a, en effet, beaucoup de doléances en ce qui concerne l'application du programme. Je veux vous donner un aperçu de la raison d'être du programme.

[Traduction]

Le programme Agri-stabilité repose sur les marges et est encadré par des accords fédéraux-provinciaux. Selon les marges prévues, l'agriculteur peut obtenir un revenu, moins les dépenses admissibles au cours d'une année donnée. Il s'agit là d'un élément essentiel si nous voulons nous assurer d'avoir au Canada un secteur agricole rentable.

Comme je l'ai déjà dit, il s'agit d'un accord fédéral-provincial. Ma motion dit expressément que le gouvernement fédéral administre, depuis son bureau de Winnipeg, les programmes du Manitoba, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et- Labrador. Toutes les autres provinces, soit la Colombie- Britannique, la Saskatchewan, l'Alberta, l'Ontario, le Québec et l'Île-du-Prince-Édouard, administrent les accords fédéraux- provinciaux.

Le grand sujet d'inquiétude est double.

[Français]

Premièrement, il s'agit de l'interprétation que le ministère fait, dans l'application du programme, de situations qui concernent des coûts liés à des personnes qui ont des liens avec l'entreprise agricole, et à des personnes qui n'en ont pas.

Honorables sénateurs, il y a 27 ans que je suis en politique. Je peux vous dire que, au cours des 27 dernières années, ces deux notions, au niveau du gouvernement fédéral, ont été vues et revues par différentes instances judiciaires de notre système canadien, qu'il s'agisse des contributions ou des prestations du programme de l'assurance-emploi, ou de Revenu Canada, quant à savoir si un item pouvait être reconnu comme une dépense ou non, et si une personne avait un lien avec l'entité ou non. Notre système de justice a déterminé qu'il y avait quatre critères qui devaient être appliqués au Canada, que ce soit au niveau du gouvernement fédéral ou provincial, pour déterminer s'il y avait un lien de dépendance ou s'il n'y en avait pas.

[Traduction]

En anglais, on dit « arm's length » ou « non-arm's length ».

[Français]

Il s'avère que, d'après mes discussions avec la communauté agricole de ma région, il y a une application de la détermination de ce qui constitue un lien ou non par rapport à toute la jurisprudence canadienne.

J'ai donc demandé au ministère de l'Agriculture de m'expliquer comment on pouvait, en tant qu'organisation fédérale, ne pas respecter ce que devaient respecter le programme de l'assurance- emploi et Revenu Canada. Pourquoi le ministère de l'Agriculture ne respectait-il pas la jurisprudence canadienne en ce qui concerne les items qui comportent un lien de dépendance ou ceux qui sont n'ont pas de lien de dépendance?

À deux reprises, j'ai écrit au ministre et, à deux reprises, le ministre a répondu ce qui suit : « J'ai eu un avis du ministère de la Justice qui me dit que notre application est correcte. »

En aucun moment le ministre n'a osé me fournir le document du ministère de la Justice. Je ne suis pas avocate, mais j'évolue au sein du système depuis assez longtemps pour savoir que toute la jurisprudence, depuis plusieurs décennies, va tout à fait à l'encontre des propos du ministre.

Le deuxième point qui doit être soulevé est le suivant : lors de ma conversation avec les administrateurs du programme à Winnipeg, on a mentionné qu'il y a, à l'intérieur du processus, un processus d'appel, et qu'il y a un tribunal d'appel pour les organisations agricoles.

Il s'avère que tous les appels des organisations agricoles qui sont envoyés à Winnipeg et qui sont liés à ces deux points sont automatiquement rejetés par l'administration; ils ne sont même pas renvoyés au tribunal d'appel.

Honorables sénateurs, il y a un manque flagrant, du moins en ce qui concerne les deux points que je viens de vous exposer, pour nos organisations ouvrières. Selon moi, cela n'est pas acceptable, pas acceptable du tout, parce que, à mon humble avis, si nous ne pouvons pas rendre justice et appliquer la jurisprudence à nos organisations agricoles, nous faisons assurément fausse route.

Le sénateur Baker, qui fait d'habitude d'excellentes recherches sur la jurisprudence dans tous ses dossiers, verrait que ce n'est pas une coïncidence si Revenu Canada accepte les décisions des cours concernant les quatre critères applicables, quant à savoir si une dépense ou un revenu présente un lien de dépendance ou non. Il ne le fait pas par bienveillance. Ce n'est pas une B.A. de sa part. Cela résulte de plusieurs décisions rendues par des cours dans ce domaine.

Comme je vous l'ai dis, j'ai tenté deux fois de l'expliquer au ministre — et je n'ai pas reçu de réponse. Par ailleurs, vous pourrez voir que je demande, dans ma motion, que le comité fasse rapport avant la fin mars, car, au cours de la prochaine année, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux seront appelés à se rencontrer pour renégocier toutes ces ententes dans le secteur agricole, ainsi que leur application.

(1540)

J'aimerais aussi attirer votre attention sur ce que j'ai indiqué au ministre.

[Traduction]

Le Programme canadien de stabilisation du revenu agricole ne peut unilatéralement se soustraire à la jurisprudence canadienne en ce qui concerne l'application des faits à l'égard de la notion de salaire avec ou sans lien de dépendance. Les gestionnaires du programme à votre ministère ont la responsabilité de tenir compte de la jurisprudence concernant ces notions et de l'appliquer dans leur analyse, comme cela se fait dans nos tribunaux et dans toutes les organisations publiques et privées au Canada. Les tribunaux ont également été saisis de ce qui s'est fait dans le secteur privé entre les sociétés, etc. Les quatre critères s'appliquent non seulement aux entités gouvernementales, mais aussi entre les sociétés privées qui traitent les unes avec les autres.

L'analyse doit reposer a priori sur les quatre critères suivants : la rémunération versée, les conditions d'emploi, la durée du travail exécuté, ainsi que la nature et l'importance du travail exécuté.

Je joins une vingtaine de pages qui font état de la jurisprudence la plus récente en la matière. Les tribunaux ont dit que, à l'égard d'une dépense ou d'un paiement, le fait que la personne ait un lien de parenté avec une entité ne signifie pas forcément que cette personne a un lien de dépendance — c'est-à dire qu'elle est à charge — ou n'en a pas. Le fait qu'une personne n'ait pas de lien avec une entité ne veut pas dire que cette personne n'est pas à charge.

Au fil des ans, les tribunaux l'ont dit clairement et ils ont statué que le gouvernement du Canada, l'Agence du revenu du Canada, le RPC — et tout le reste — devaient considérer le lien de dépendance ou l'absence de lien de dépendance à la lumière de ces quatre critères. Il est inadmissible que, dans le cadre de cet accord fédéral- provincial et de son administration au bureau de Winnipeg, on ne se conforme pas à la jurisprudence élaborée au fil des ans au Canada.

J'espère que, dans l'intérêt des collectivités agricoles et compte tenu de ce qui se passera au cours de la prochaine année dans le cadre de la renégociation des accords sur le programme Agro- stabilité, vous renverrez la motion à l'étude au comité dès que possible pour que nous ayons tout un débat sur la question et veillons à ce que les collectivités soient traitées avec équité et dans le respect de la loi.